Paul est de père et de mère libanais émigrés au Québec depuis le début de la guerre du Liban. Sans renier ses origines libanaises, Paul est aujourd’hui juriste et s’identifie comme citoyen canadien. À 30 ans, il s’apprête à se marier… Un parcours classique.Sauf que Paul est homosexuel et vit en couple avec son partenaire depuis cinq ans. Et c’est d’un commun accord qu’ils ont décidé de convoler en justes noces devant… les hommes.
Paul, qui assume pleinement son homosexualité, est engagé dans la lutte pour les droits des gays. Son souhait: «libérer» les homosexuels libanais du joug de notre société et de ses tabous…
Depuis quand as-tu pris conscience de ton homosexualité? Quel âge avais-tu au moment de cette révélation?
Il ne s’agit pas d’une révélation, mais plutôt d’une reconnaissance de la personne que l’on est réellement. Souvent on découvre cette partie intégrante et indissociable de soi au moment de l’adolescence. Donc, il est évident que lors de l’éveil sexuel, on se pose des questions. L’âge importe peu. Mais l’acceptation de soi est un long cheminement.
N’as-tu jamais eu de penchant ou de désir pour le sexe féminin?
Dans la phase du questionnement lors du développement sexuel, j’ai eu des rapports avec des filles. Cependant, quoique les choses se soient passées avec «complicité», il manquait toujours quelque chose, bref, je n’étais pas tout à fait heureux.
Penses-tu que l’homosexualité est innée?
Oui, l’homosexualité est innée. Il s’agit d’une partie essentielle de soi. Vivre dans le déni fait mal, c’est comme si on empêchait la personne de respirer. Être homosexuel est naturel et normal. Ce qui est acquis en cours de route n’est autre que la découverte et la connaissance de qui l’on est en tant qu’être humain, notamment comme homosexuel. Cependant, des clichés (souvent liés au mode de vie de certains) peuvent laisser croire – à tort – qu’elle est acquise. Il ne faut donc pas mélanger le mode de vie et la génétique.
L’éducation traditionnelle que tu as reçue aurait-elle influencé ta vie sexuelle?
L’éducation que mes parents m’ont donnée correspondait à leur vérité, leurs certitudes. Il est certain que j’ai été exposé à des réalités hétéro-normatives. Mais, étant donné que je vis dans un pays ouvert à tout, un pays où les égalités sont pratiquement acquises, je n’ai pas besoin d’être constamment vigilant pour ne pas être victime d’un acte de violence.
L’éducation reçue au sein des établissements scolaires que j’ai fréquentés m’a permis de réaliser à quel point les valeurs d’ouverture et de tolérance véhiculées par la société canadienne sont fortes et permettent à tout un chacun de se réaliser de la manière qu’il juge adéquate, quelle que soit sa tendance sexuelle. À l’école, ateliers et conférences sur la situation des LGBT (Lesbians, Gays and Transgenders Rights) étaient organisés.
Lorsque tu as réalisé que tu étais gay, l’as-tu assumé aussitôt? As-tu tenté de lutter contre cette différence?
Assumé aussitôt, non. Période difficile, non. Période de questionnement, oui. Aux yeux de mon entourage, je n’ai pas changé. Le fait d’affirmer mon homosexualité me permet de vivre sans balise mes amours, voire mes échecs amoureux. Pour moi, et encore aujourd’hui, j’étais avant ce que je suis maintenant. Sans aller jusqu’à dire que j’ai voulu lutter contre ma nature, j’ai cependant essayé. En vain.
Marianne Saradar Barakat