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19 FÉV-20 MARS

 

TIRAMISU À LA MANGUE

Mme à Beyrouth

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L’hiver de madame

L’hiver  de madame D.R.


Il est fort. Colérique. Ravageur. Meurtrier. La nature et les hommes semblent tous s’être donné le mot pour se déchaîner. Quoi de plus normal, que le vent se lève. Que le tonnerre gronde. Qu’il pleuve. Qu’il neige… En cette saison. Mais, ce qui glace Madame, c’est cette cruauté et cette barbarie, cette quasi indifférence des autres. Tous les autres. Les Ricains. Les Français. Les Arabes. Les non arabes. Les Occidentaux. Les Orientaux. Les Japonais. Et même les Chinois.

En automne, nombre d’entre eux ont formé une coalition contre cette organisation qui se fait appeler État Islamique. Grande production, sur papier. Et sur le terrain. Puisque Madame entend le vrombissement menaçant des avions dans les airs. À la télé, comme à chaque fois. Du direct. Et du retransmis. Opération tempête dans le désert. Mais qui ne mettra pas un terme à ces aberrations retransmises sur ces mêmes écrans. Des films d’horreur mettant en scène un Calife qui coupe des têtes. Ou un feuilleton qui n’en finit pas, montrant des Syriens qui meurent en silence, tous les jours. Spectacle macabre de l’horreur banalisée. Choc des images, costumes orange, effets spéciaux, symbolisme et grande production.

Dans les pires scénarios, Madame n’avait jamais imaginé telle monstruosité. Et, cet hiver, l’horreur frappera même des territoires où elle ne l’y attendait pas. À chaque fois, elle trouvera encore la force d’être choquée. Mettra un point d’honneur à continuer à s’indigner.
En janvier, Madame est Charlie. Madame est Mouaz, aussi. Ce soldat jordanien victime d’une mise en scène si obscène, qu’elle tente encore de se convaincre, en vain, que tout ceci n’est que le fruit de son imaginaire…

En février, Madame est Copte. Et, depuis plusieurs mois, Madame est avant tout, et surtout, chaque soldat libanais. Parce que charité bien ordonnée commence par soi. Parce que plusieurs soldats ont déjà été décapités. Parce que nombre d’entre eux sont encore kidnappés, otages de cet organisme qui porte plusieurs noms, qu’on s’y perdrait. Mais parce que l’heure n’est pas aux tergiversations, mais bien à l’indignation. Parce que oui, le piège semble s’être refermé… Madame n’essaye même plus de comprendre! Aussi, cet hiver Madame pense tout simplement à ceux qui ont froid. Et, tels les cœurs transis de ces mères, pères, frères, sœurs, épouses et enfants… Madame est glacée, effarée à l’idée du sort réservé à chacun de ces valeureux soldats de l’armée libanaise.

Mais, même si elle n’arrive pas à zapper, Madame aimerait ne plus rien voir. Ne plus rien entendre. Alors oui, elle éteint cet écran, remonte son col roulé, et descend son bonnet. Bien emmitouflée, elle sort dans ces rues inondées de pluie, avec un seul mot d’ordre: minimiser les risques de Yohan, Windy et consœurs. Elle s’assure donc que rien n’ombrage son chemin, histoire qu’aucune branche, tronc d’arbre ou poteau électrique ne lui tombent sur la tête. Et va en bord de mer quand même, regarder cette grande bleue qui se déchaîne et que rien ne semble vouloir contenir ni contrôler. Les vagues remontent bien haut. Puis retombent bien plus loin qu’il ne leur est permis. Les digues se cassent. Le port est englouti. La barque du pêcheur peine à s’accrocher… Du club balnéaire méconnaissable, il ne reste que désolation. À l’image de ce pays, qui ressemble à une embarcation à la dérive, sans un capitaine à bord. Car, évidemment, du côté des Présidentielles, nul avis de tempête…

Mais soudain, presque tout le paysage libanais se couvre d’un beau tapis blanc. Pur. Alors, Madame se dit que peut-être cette folie des éléments sera bénéfique. Qu’elle purifiera l’air, emportant sur son passage les mauvaises herbes, et mauvaises ondes.

Faire table rase.

Avant le printemps prochain. De Beyrouth.

L.Z.

 
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