Imprimer cette page

La parole aux sans voix

La parole aux sans voix AFP.

Imaginez des institutions putréfiées gangrenées par la corruption effrénée, un establishment moisi, pourri, vorace et indéracinable… dans un pays miné par un confessionnalisme absurde et primaire, des querelles de politicaillons sans aucune envergure, corrompus et corrupteurs, et une mafia au pouvoir, tellement dédaigneuse de ses citoyens qu’elle pensait pouvoir les maintenir dans un état comateux en les noyant impunément sous des amas de détritus. Voilà une capture d’écran du Liban d’hier!

Le coup de gueule général déclenché à l’unisson contre la classe politique polluée et polluante a fini par résonner sur les places et dans la rue. Le réveil des Libanais fait aujourd’hui l’effet d’un tremblement de terre pour ceux-là même qui ont mené le pays au désastre politique, financier, social, économique et environnemental dans lequel il se débat depuis des décennies. Au final, les citoyens indignés, révoltés, ont réussi à dépasser les clivages confessionnels et sociaux, à tourner le dos à leurs médiocres leaders traditionnels pour hurler leur ras-le-bol, pour esquisser un nouvel imaginaire collectif prometteur et promoteur de vrai changement.

Peu importe le comment et le pourquoi, peu importe l’hétérogénéité des slogans… En s’exprimant haut et fort, tous les sans voix ont déclenché les cauchemars des «princes irresponsables» responsables de la déliquescence de ce petit pays si attachant qu’ils ont défiguré.

Malgré les débordements, malgré la colère et les tensions, malgré les tentatives de sabotage du mouvement, cette prise de conscience collective ne peut être que salvatrice même si les poubelles continuent à joncher les rues et les versants des montagnes, même si les dans les hautes sphères personne ne semble avoir saisi qu’il est désormais impossible que le Liban de demain puisse s’apparenter à celui d’hier.

Ghada Baraghid