La vie est belle. Madame a rencontré l’homme de sa vie. Il est noir, blanc, chrétien, musulman, juif ou bouddhiste… Qu’importe. Un vrai coup de foudre qui a duré! Ensemble, ils parlent librement, et rient de tout. Même des caricatures les plus grotesques… Aujourd’hui, ils vivent dans une ville qu’ils aiment et qui le leur rend bien. L’air y est pur. Les trottoirs sont bien aménagés, les passages cloutés. On y a même tracé un circuit pour cyclistes. Les gens sont tous aimables et se soumettent au règlement. Dans les échoppes, calmement, des files se forment à chaque fois. Même les personnes dites «très importantes» attendent leur tour patiemment. Ici, le respect de l’autre et de la loi est chose sacrée.
Les samedis ou dimanches matin, Madame va au marché. Elle y achète des produits du terroir, des fruits, des légumes bios, du pain de seigle… Quand il fait beau, c’est direction campagne et pique-nique dans les prés. Les enfants passés maîtres dans l’art du recyclage en ville apprennent alors à connaître la nature, qui est bien préservée. Ils lâchent sans effort leurs tablettes… Même si, bien de leur époque, ils sont hyper connectés, et les jeux électroniques n’ont aucun secret pour eux. Mais, raisonnables, et pas bling-bling pour un sou, même pour Noël, il ne leur est pas venu à l’esprit de commander le dernier iPhone, ou le prochain modèle, bien avant la date de sa sortie. Ils savent bien qu’à 10, 12 ou 15 ans, non ce n’est pas nécessaire d’avoir son propre portable en poche. Et encore moins celui qui coûte un petit millier de dollars!
Dans sa ville, les embouteillages sont inexistants. Et les routes si sûres… Nulle trace de chauffard sur son chemin! En semaine, tôt le matin, elle arrive rapidement à son lieu de travail. Madame a un job épanouissant. Et elle n’est pas la seule! Ses collaborateurs sont tous compétents. Les créateurs sont épanouis. Les bureaucrates sereins. La main d’œuvre appréciée. Les techniciens valorisés! Le chômage n’a pas droit de cité… Et la corruption non plus! L’administration étatique est d’ailleurs si bien huilée que toutes les procédures sont rapidement effectuées.
Tout va si bien dans cette partie du monde, qu’en toute saison, dès qu’un rayon de soleil pointe à l’horizon, Madame prend un jour off et va se prélasser en bord de mer. Pour peu que l’eau ne soit pas glacée, elle pousse même la coquetterie jusqu’à piquer du nez dans cette Méditerranée si propre et si peu polluée… Ce qu’elle aime, particulièrement, c’est cette paix et cette sérénité qui règnent sur son pays.
Les armes sont inexistantes dans l’espace public. Il ne viendrait même pas à l’esprit de quelqu’un de rouler dans une voiture à vitres fumées! Ici, chacun est bien occupé à construire sa vie, en toute quiétude, sans que des événements extérieurs politiques, sécuritaires… ne viennent entraver la bonne marche de ses projets. Et, surtout, personne ne se cache. Ni les concubins. Ni les homosexuels. Ni les femmes battues… L’être humain y jouit de tous ses droits civiques et libertés individuelles…
En 2015, Madame, à Beyrouth, nage en plein bonheur. Voilà, Madame rêve ainsi. Mais c’est une nouvelle année qui commence après tout! Et, cette fois, elle a envie d’y croire. Elle aimerait bien être exaucée.
Alors oui, Madame demande Justice pour Yves. Et rêve du jour où les coupables seront jugés et emprisonnés. Elle rêve aussi du jour suivant, celui où les armes n’auront plus droit de cité, ni dans sa ville, ni dans les mentalités. Pour que plus aucune famille n’ait à pleurer Yves. Ni Eliane.
L.Z.