D’abord, l’excitation. Celle que l’on ressent quand le BUT EST ENFIN ATTEINT. Ou que le rêve s’est réalisé. Pour de vrai. Le soulagement, aussi, peut-être. Une fraction de seconde. Mais qui va vite laisser la place à une certaine inquiétude. Celle qui étreint, lorsque l’on se rend compte de l’impossibilité d’un retour en arrière. Une fois que ce que l’on a tant voulu est enfin là, à portée de main, il est en effet souvent trop tard pour dire que l’on n’en veut plus. Non pas que l’envie ne soit plus là. Loin de là. Mais cette peur de l’inconnu. Peur de perdre ce que l’on était. De savoir que rien ne sera plus comme avant.
Une peur, mêlée à l’excitation, noyée dans une sourde inquiétude, mais accompagnée de ce sentiment de soulagement… Car oui, à ce stade on ne peut plus rien y changer. Ce qui est fait est fait. Advienne que pourra. C’est le repos du guerrier. Quels que soient les combats prochains qui devront être menés. Profiter de l’instant. Savourer la victoire. Souffler. Se reposer, un temps, sur ses lauriers. Après, demain, est un autre jour. Alors oui, accepter d’être heureux d’avoir enfin obtenu ce que l’on a toujours convoité. De la joie, donc. Sourire. Tout simplement.
Mais pourquoi donc est-ce si compliqué? Complexe serait le mot juste. Le terme adéquat. Chercher ses mots. Définir ses sentiments. Se positionner. Adopter une attitude. Hésiter… Puis se laisser aller. Tout en retenue.
C’est que la vie n’est jamais si simple. Même réaliser ses rêves les plus fous a un arrière-goût. Celui de l’accomplissement inachevé. Car, comme pour l’enfant que l’on était, que l’on est certainement resté quelque part, un jouet perd un peu de son attractivité lorsqu’il n’est plus en vitrine, mais bien dans notre placard. Que nous en ayons payé le prix, cher ou pas. Non cela ne tient pas du caprice… C’est ce fameux instinct de chasse, propre à l’homme. Et à la femme. Qui, une fois sa proie à terre, s’en va conquérir des territoires vierges. Jamais satisfait? Éternel recommencement? Une fuite en avant? Ne jamais s’arrêter? La vie, est-ce donc de cela qu’il s’agit?
Madame, dubitative, a des sentiments mitigés, à ce sujet… Et si, plus exactement, le moteur qui l’animait c’était cette envie de ressentir cette plénitude lorsqu’elle a, non pas réalisé un premier rêve, un second, un troisième… un dixième. Plus ou moins petit, plus ou moins grand, plus ou moins accessible… Mais lorsqu’elle est certaine d’avoir atteint sa destination. Chacun sa route. Chacun son propre timing. L’important est d’arriver à bon port, celui qui nous est dédié. Alors seulement, on s’arrête. En si bon chemin. On n’a plus peur. On ne s’inquiète plus. Et l’on n’est même pas soulagé. On est tout simplement là où l’on doit être. À notre place. Bien installé. Le passé et le présent s’emboîtent, naturellement, et tout fait sens.
Créer, produire, vivre… Laisser des traces. La vie alors se chargera de les véhiculer, de les effacer ou de les graver à jamais. Dans la terre, ou dans la mémoire des autres. Qu’importe. Tout ce que nous avons accompli, créé, n’est plus à nous. Lâché dans la nature, cet objet, ce livre, cette toile de peinture, même ce sourire que nous avons fait à un passant lui appartient maintenant. Il en fera ce qu’il voudra.
Chacun a une bonne raison d’être ici-bas, de passage. Ou plutôt chacun devrait faire en sorte, que ce passage soit une bonne idée, au final.
S’écouter, puis avancer, à ce rythme-là. Son propre rythme. L’issue est inéluctable. Et la vie, implacable, suit son cours.
L.Z.