«Naviguer au-delà du cercle polaire arctique en croisière-expédition»; sous cet intitulé, Marianne Achkar, invitée par l’Institut Français de Beyrouth, a emmené son public dans une aventure de beauté et d’émerveillement, explications, images et vidéos à l’appui. Femme l’a rencontrée.
Guide polaire, comment a débuté l’aventure?
J’ai toujours été passionnée par les découvreurs et explorateurs. Mon mémoire de maîtrise en tourisme et aménagement du territoire portait justement sur les grands explorateurs entre le XVIème et XIXème siècles. J’ai toujours eu cette idée en tête, mais je n'ai jamais cherché à la concrétiser. Le chemin de ma vie a fait que j’étais menée naturellement vers ça. Pendant mes guidages touristiques, j’ai notamment rencontré de vrais explorateurs qui venaient donner des conférences à bord des grands bateaux de croisière. Quand l’un d’eux a décidé de créer son propre organisme de voyages polaires, il m’a invitée à travailler avec lui. C’est comme ça que l’aventure a commencé, rien ne me prédestinait, j’aurais pu aller n’importe où dans le monde. Quand on fait une croisière-expédition, on y prend goût, on n’a plus envie d’arrêter.
Et vous ne vous êtes jamais lassée, depuis 1995 que vous êtes guide polaire?
Ah non! Ce n’est jamais la même chose. C’est un monde qui évolue énormément, avec les courants, les glaces, les icebergs qui ne sont jamais à la même place, les glaciers qui fondent, les ours qu’on ne voit jamais au même endroit… Et puis les croisières ont un itinéraire tracé, mais on ne sait pas à l’avance si on va réussir à le suivre, car tout dépend des lieux, de l’état des glaces… et de la beauté des paysages. C’est pour cela que c’est à chaque fois différent, on a des passagers qui viennent deux à quatre fois l’an, et des habitués qui restent pratiquement à bord.
Un métier qui porte à la fois au rêve et à un côté pratique et de sécurité…
C’est vrai, quand on est guide dans ces endroits-là et qu’on débarque à terre, il y a toujours une crainte, c’est le domaine de l’ours polaire. Pas d’accidents jusque-là, mais la vigilance est permanente tant qu’on n’est pas revenus en sécurité au zodiac. Mais la passion et l’adrénaline de la découverte sont encore beaucoup plus fortes que cette peur qui se transforme, je crois, en excitation. Quand on est là, que tout est tellement beau, on apprécie chaque minute, chaque seconde.
Toutes ces difficultés ne vous ont jamais fait hésiter?
Je n’ai jamais trouvé quelque chose de dangereux, j’ai toujours été attirée par l’extrême. Mais c’est vrai qu’ici au Liban, moins ailleurs, les gens sont surtout focalisés sur le danger que cela implique, je les rassure aussitôt, car c’est très vite interprété et cela peut avoir des répercussions sur votre vie personnelle, du style vous êtes une femme dangereuse, vous n’êtes pas capable d’avoir une famille… Tous ces préjugés ne correspondent pas du tout à la créativité. Je me suis toujours aventurée hors des sentiers battus, je navigue à contre-courant, j’aime sortir de ma zone de confort et aller à la découverte d’autres choses. Mon cœur bat quand je vais dans des destinations extrêmes. Dès que je vois les pics de glaciers du Spitzberg, je revis. Je ne me suis jamais ennuyée ou sentie blasée. C’est toujours une grande découverte, toujours comme la première fois.
Vous tentez d’inciter les touristes à devenir voyageurs?
Mon but est de communiquer ma passion aux gens. Si j’arrive à le faire, ils vont quitter leur zone de confort pour aller découvrir ou explorer, car c’est vrai que tout le monde n’ose pas. Parfois on rêve, on a envie de franchir le pas, mais on ne le fait pas. Dans ma vie, je suis toujours allée au-delà de mes rêves, ma passion de partir est trop forte. J’ai lu quelque part que c’est peut-être une question d’ADN qui date des Phéniciens; ce n’est pas juste une envie de partir mais une nécessité.
Les passagers libanais sont-ils nombreux?
Pas du tout, parce qu’il y a justement toute une éducation à faire. C’est l’inconnu pour eux, dès que je commence à parler, ils déconnectent et ne ressentent plus que la peur et le danger, ce n’est pas comme se rendre en Grèce, Turquie ou ailleurs. Ce n’est pas si dangereux, puisqu’on compte quelque 30 000 croisiéristes par an. C’est surtout une question d’habitude et de passion. Moi je continue à poursuivre cette voie-là et si je peux emmener des gens avec moi, le plaisir est plus grand.
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N.R.