Une nouvelle fois, encore une, les ennemis d’hier sont comme par miracle – presque – tous tombés d’accord. Les mêmes qui étaient en profond désaccord, aujourd’hui rabibochés, eux-mêmes élus depuis belle lurette déjà, ont voté pour un président et nommé un premier ministre!
Un rêve devenu réalité pour les partisans? Une catastrophe pour les détracteurs? S’il y a un peu plus de triomphalisme dans un camp, et un peu plus d’amertume dans l’autre, en attendant le prochain épisode… Madame a décidé de rester de marbre! Car, si un jour elle a été avec l’un contre l’autre, au fil des ans, Madame a été déçue, a eu le cœur brisé, et s’est cassée la figure en se laissant entraîner à chaque fois plus loin, plus bas, de gesticulations en pirouettes, en acrobaties, en sauts dans le vide… Depuis, Madame s’est refait une virginité. Elle ne se donne plus à personne. Ni passion aveugle, ni mariage de raison. Son cœur s’est fermé. Son esprit n’est plus séduit.
Assise au premier rang, elle assiste aujourd’hui sans broncher à cette nouvelle scène qui se joue entre les mêmes acteurs. Depuis 40 ans, à chaque fois un vainqueur sort du lot. Une redistribution des rôles s’ensuit. Puis un jeu de chaises musicales. Et l’histoire continue. Différemment. Chacun, arrêté à sa propre page, refait sa propre lecture du chapitre. Chaque bord a gardé ses griefs bien au chaud. Et ses intentions de revanche bien au froid. Y a qu’à voir les haines qui ressortent. Et les amours de jeunesse intactes qui refleurissent. Pour peu qu’on les y invite. Certains se sont arrêtés en 2005. D’autres en 1990. Ou en 1980. On reprend la partie là où on l’a laissée, quelques décennies plus tôt. Y en a qui n’étaient pas nés. Y en a qui sont morts. Il y a des rêves inachevés. Des convictions qui ont la dent dure. On ressort les anciennes photos. Les vieilles chansons. Et l’on danse comme en 1989.
Pour s’être à maintes reprises réveillée avec une gueule de bois aux lendemains de fêtes, non, cette fois, Madame ne prendra pas part à la liesse générale! Mais elle vous interdit de pratiquer à son encontre «le shaming», ce nouveau genre de terrorisme patriotique qui accuse toute personne qui doute de la venue du sauveur!
Car Madame, citoyenne fidèle à ses principes, qui depuis 40 ans a résisté à l’occupant, a manifesté dans la rue sa colère et s’est insurgée contre toutes formes d’injustice et de corruption, continuera le combat. Même si elle ne croit plus en aucun de ces leaders! Madame rêve, tout simplement, d’un nouveau casting…
En effet, si elle se réjouit du fait que tous brandissent aujourd’hui le slogan Peace & love, tels les membres d’une grande famille réunie, en les voyant endosser leurs nouveaux habits dans ce scénario version automne 2016, Madame ne comprend pas.
Elle ne comprend pas pourquoi tant de haine, si un beau jour ils sont tous capables de s’aimer autant. Elle ne comprend pas pourquoi tant d’insultes, s’ils sont capables de faire de si beaux discours et d’échanger de si belles paroles après. Elle ne comprend pas pourquoi tant de morts, s’ils sont tous capables de trinquer autour d’une même table, à la santé de ceux qui sont tombés pour leurs idées. Elle ne comprend pas la cause de ces années de blocages, s’ils sont capables de faire toutes ces concessions au nom de l’intérêt du pays. Elle ne comprend pas comment le pays pourrait être différent avec les mêmes qui ont régi sa destinée ces 40 dernières années. Elle ne comprend pas comment ceux qui ont mené toutes ces guerres, violé tant de fois la constitution, gangrené les institutions avec la corruption, bloqué la marche du pays pour des intérêts égoïstes, peuvent aujourd’hui être si différents et, demain, sauver le Liban. Elle ne comprend pas ce qui les unit aujourd’hui. Et ne comprend plus ce qui les a séparés hier.
Madame ne demande qu’à y croire de nouveau. Que ceux qui le peuvent lui expliquent. Mais, non, surtout pas à coup de chansons patriotiques, de portraits géants, de culte de la personne, de foules sentimentales, et de slogans formatés. Elle ne comprendrait pas!
L.Z.