Ce qu’elle mange? Elle s’en va vous le dire.
C’est même chose simple, croit-elle. Car Madame est toujours à l’affût des ingrédients qui se glissent dans ses plats. D’habitude elle compte les calories. Fait le bilan du gras. Du sucre. Nouvellement, elle traque même toute trace de farine blanche, de gluten… Mais elle qui pensait tout savoir de ce qu’il y a dans son assiette, et qui plus est dans son estomac, n’a pas digéré les derniers scoops télévisés!
Non, elle ne fait pas allusion au sensationnalisme qui a accompagné l’annonce, ou au manque de professionnalisme de certains médias. Elle passera l’éponge sur la forme et ne s’arrêtera que sur le fond. Car il est question de révélations graves. Des découvertes dont elle aurait néanmoins dû se douter. Ou qui, n’auraient pas dû la surprendre. Car, aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours enjoint à ses amis venus de l’étranger, d’éviter les légumes, les salades, la viande crue, le fromage blanc… Elle précisait alors qu’elle, est habituée. Mais pas eux. Mais à quoi est-elle habituée exactement? À manger de la merde? Dans le sens littéral du terme? Elle qui s’était toujours cantonnée au sens figuré, la voilà bien servie!
Et lorsqu’on lui annonce que les résultats des analyses sont probants, mais qu’au lieu de pousser de grands cris, c’est à l’omerta qu’on l’invite, Madame est encore plus estomaquée! «Chuuut, il ne faut pas en parler. Faut protéger le tourisme…» Bon, Madame a toujours su qu’elle vivait dans une société du paraître et non de l’être. Que les apparences, le qu’en-dira-t-on, étaient maîtres de la vie d’une grande partie de Libanais. C’est le cas de le dire, puisqu’il est question de vie et de mort! En tout cas, de la santé du touriste, au même titre que de celle du citoyen lambda…
Aussi, non, Madame ne compte pas manger et se taire. Et c’est justement ainsi qu’elle préservera le tourisme dans son pays. En même temps qu’elle protégera le savoir-faire ainsi que l’excellence et la réputation des établissements libanais. Elle veut rassurer les étrangers sur la qualité des contrôles effectués, et donc des services proposés. Surtout, en cette période de fêtes! Période à laquelle les membres de la famille, désormais dispatchés aux quatre coins du monde, font tous le déplacement pour venir célébrer au Liban aux côtés des parents et grands-parents. Ne pas avoir la main qui tremble quand elle leur sert une bonne tranche de viande, cuisinée avec amour. Ne pas craindre de les retrouver alités le soir du réveillon, à cause d’une gastro contractée après le repas du 24 au soir! Et surtout, une fois tous les cousins et autres touristes renvoyés dans leurs avions, ne pas oublier toutes ces recommandations alimentaires. Ne plus se voiler la face. C’est fini, Madame ne se racontera plus d’histoires, à commencer par celle-ci: «Nous sommes immunisés». Ou encore, cette autre: «Il n’y a pas plus beau pays que le Liban.»
Alors voilà, ce Noël, Madame est au régime. Non, pas le régime traditionnel. Madame veut bien consommer dinde, charcuterie, et mont-blanc. Mais tant qu’à se servir un morceau de bûche, autant que la crème soit fraîche… Dans cette nouvelle diète, elle n’avalera plus, ni balivernes, ni couleuvres. Mais Madame ne laissera rien lui gâcher ce repas des fêtes. Qu’il se déroule à la maison ou dans un de ces bons restaurants libanais, elle se promet un bon festin…
Car oui, s’il est bien une illusion à laquelle Madame s’accrochera, c’est
bien la magie de Noël.
L.Z.