Le paradoxe d’un luxe monacal
Loger dans la plus grande des cités monastiques d’Europe, se promener au milieu de la nuit dans l’église de l’Abbaye de Fontevraud pour y admirer les gisants de Richard Cœur de Lion et de sa mère Aliénor d’Aquitaine ou flâner dans la salle du Trésor, c’est désormais possible depuis que l’abbatiale a bénéficié de travaux de restauration titanesques et s’est vu doter d’un magnifique hôtel de luxe. Conçu par le célèbre tandem d’architectes Patrick Jouin et Sanjit Manku, l’hôtel occupe aujourd’hui ce qui fut le prieuré Saint-Lazare.
Un moine féministe?
À la frontière de l’Anjou, de la Touraine et du Poitou se dresse depuis près d’un millénaire la majestueuse Abbaye de Fontevraud. Fondée par Robert d’Arbrissel, un moine breton à la personnalité atypique et aux idées avant-gardistes, cette cité monastique réunissait en un seul et même lieu des frères, des moniales, des «filles repenties» et parfois même des lépreux charitablement accueillis dans le prieuré Saint-Lazare. Tous partageaient une vie vouée à la prière, au silence, au travail et à l’abstinence. L’originalité de l’ordre Fontevriste résidait dans le fait qu’à la tête de cette abbaye mixte se trouvait une abbesse à laquelle étaient assujettis les frères! Étaient-ce les prémices d’un féminisme avant-gardiste? Quelle déception lorsque l’on apprend que le fondateur de l’ordre avait donné le pouvoir aux femmes à l’Abbaye de Fontevraud principalement par volonté de pénitence!
Le règne des moniales ayant pris fin avec la Révolution Française. Sous Napoléon, Fontevraud est transformée en une prison réputée pour être l’une des plus dures de France. Neuf siècles de vie à huis clos s’achèvent en 1985 lorsque le dernier prisonnier quitte Fontevraud qui ouvre enfin ses portes à un public émerveillé par la majesté de ce monument inscrit depuis l’an 2000 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.
Rola Cusson.