Cela fait un bail qu’elle refuse qu’on l’appelle Mademoiselle, parce qu’elle s’irrite de cette corrélation que font ses concitoyens entre son statut marital et la façon de l’apostropher. Ça sera Madame. À 20 ou 40 ans. Et non, cela n’a rien à voir avec son âge. Ou plutôt si, avec l’âge adulte. Une fois sortie de l’adolescence, on laisse la demoiselle au placard. Cela n’a rien à voir avec le mariage. L’enfant. Le divorce. L’amour. Le sexe. La profession. La situation financière. Ou le statut social… Non plus.
Madame refuse de se fondre dans une supposée normalité. Les classifications et autres comparaisons, elle n’en a cure. Mariée à 20 ans ou à 50 ans. Divorcée à 30. Fiancée à 40. Un enfant ou plusieurs, tôt, tard ou peut-être jamais. L’âge de son homme aussi, importe peu. Il est né la même année qu’elle: c’est son amour de jeunesse, rencontré sur les bancs de la fac. Ou il est bien plus vieux. A déjà fait une première vie sans elle. A des enfants d’un premier mariage… Mais encore, il est peut-être plus jeune qu’elle! En nombre d’années. Point. La maturité, le courage, l’intelligence, le charme, la complicité et les sentiments eux sont au rendez-vous. Pour elle, l’âge, cette addition d’années constituées de douze mois, ne détermine pas tout. L’essentiel est ailleurs. Pour peu qu’elle ressente une connexion particulière, unique, avec cet homme rencontré par hasard, ou cette femme qui lui sourit d’emblée, pourvu qu’elle reconnaisse cet inconn dans la foule, qu’elle s’identifie à ce projet, qu’elle ait un coup de foudre pour un objet… Madame ne (se) posera pas plus de questions. Elle se fait confiance, se fie à son ressenti. Au fil des ans, Madame a préféré instaurer ses propres normes. Elle a tracé sa route et avancé à son rythme, dans un terrain souvent encore en friche. Elle y a fait des rencontres improbables. Et des expériences insoupçonnées. Elle s’est même surprise parfois à tout recommencer. À tout âge. En toute saison. Malheureuse au travail? Suffoquant dans son couple? Prisonnière de sa vie? Elle a joué de malchance et sa boîte a fait faillite? De concessions en compromis, ou à force de précipitation elle a accumulé les mauvais choix? Vite un nouveau début! Reprendre des études à 40 ans, un travail à 30 ans, un bébé à 20 ans, et un divorce à 25. Ou refaire le tout dans le sens inverse. Si ce n’est aujourd’hui, peut-être demain. Et tant pis, si pour cela elle devra faire table rase du passé ou, au contraire, composer avec.
Sur son chemin, elle a appris que les affinités amicales ou amoureuses, et les opportunités professionnelles, même si on essaye de les provoquer, souvent se défilent. Qu’il ne sert à rien de les attendre de pied ferme. Qu’il suffit de continuer d’aller de l’avant. Capricieuses, elles ne pointent le bout de leur nez que lorsqu’elles le veulent bien. Elles n’ont que faire de tous ces diktats et autres deadlines, dans lesquels la société s’enferme: vite se marier, vite faire un enfant. Et construire une carrière toute tracée… Tic-tac. Tic-tac. Le temps, parfois il stagne, et parfois il accélère les événements. Ceux-ci ne se présentent d’ailleurs pas toujours dans un ordre défini, prévu! Et ce n’est pas plus mal au final… La trajectoire de chacun, de chacune, est unique: «Un âge pour tout»?! Non, mille fois non, il n’y a que de bons timings… L’univers a son secret. Et Madame n’essayera pas de le percer. Elle veut juste être en accord avec lui. Avoir ce sentiment indicible, cette certitude, qu’elle est au bon moment au bon endroit. Lorsqu’un jour, une nuit, elle voit les choses, les êtres… s’emboîter naturellement. Et, à chaque fois, sourire. Intérieurement. Elle a eu raison de maintenir la barre haute.
Car de vie, Madame n’en a qu’une, et elle ne compte pas la brader. Aussi, elle continue de s’écouter. Elle tend l’oreille aussi. Et elle est ainsi fin prête, à chaque fois que le bon moment est enfin là. Parce qu’elle sait bien que tout est encore possible. À tout âge. Si.
L.Z.