Quand le sexe devient addictif
Il n’est pas rare qu’une femme qui vit sa sexualité en toute liberté et qui connaît de nombreux partenaires se fasse qualifier de nymphomane. Entre dénigrement et fantasme, la nymphomanie attire, questionne ou choque. Pourtant, derrière ce terme employé à tort et à travers, et dont la définition reste floue, se cache un trouble psychologique féminin, une véritable pathologie.
Zoom sur un dysfonctionnement qu’on a du mal à comprendre.
Confessions d’une nymphomane
«Mon père, décédé suite à un accident de la route, ma mère dépressive et alcoolique, je me sentais abandonnée. Je vivais une tristesse infinie et une insécurité totale. À l’âge de 11 ans, je commençais à découvrir la sexualité avec un ami de trois ans mon aîné. Il ramenait des films pornographiques à la maison. Très vite, cet univers interdit m’a attirée et m’a permis de m’évader de mon quotidien. Les films et revues pornos étaient devenus comme une sorte de drogue pour moi. J’en étais comme obsédée. J’y pensais en permanence, partout… et m’adonnais constamment au plaisir solitaire… Je n’arrivais plus à arrêter, j’avais perdu le contrôle. En même temps, je culpabilisais… Au bout de quelques années, la masturbation ne m’apportait plus le même plaisir, je décidais donc de «découvrir» les hommes. Je passais de l’un à l’autre. En général, je ne connaissais pas vraiment les individus avec qui je couchais. Je percevais les hommes comme des objets sexuels. J’ignore le nombre de partenaires que j’ai eus. Mais ce que je peux affirmer, c’est que c’était un homme chaque quelques jours… Il m’est arrivé (plus rarement) d’avoir des relations avec deux gars dans la même nuit…
Je devenais tellement accro au sexe que je me mettais même parfois en danger. Sans protection, je n’utilisais ni préservatif, ni pilule. Heureusement, je ne suis jamais tombée enceinte et j’ai échappé aux maladies sexuellement transmissibles, les dégâts se limitant à quelques inflammations banales.
Durant ma galère, j’avais quand même tenté à plusieurs reprises de construire une relation stable et durable avec certains, mais en vain. Je n’arrivais pas à gérer ma vie sexuelle, j’étais malheureuse et mon désir sexuel toujours inassouvi. À la longue, cette dépendance au sexe a fini par me dégoûter de moi-même, de la vie. J’avais honte, je n’osais me confier à personne, pas même à mes amies les plus proches, de peur d’être jugée ou rejetée. J’ai sombré alors dans la dépression et j’ai sérieusement songé à mettre fin à mes jours… C’est là que j’ai compris que je n’allais pas pouvoir m’en tirer toute seule… J’ai alors pris la décision de m’adresser à un psychothérapeute. Ce n’est pas toujours facile. J’ai fait des rechutes et j’en fais encore… Mais je ne perds pas espoir. Je sais que je suis sur la bonne voie et j’ai toute la volonté de m’en sortir…
Si je témoigne aujourd’hui, c’est dans le but de rendre le sujet moins tabou; et c’est parce que les femmes qui souffrent d’hypersexualité n’osent pas en parler, par peur d’être jugées, mal comprises, montrées du doigt… Or, il s’agit d’un véritable problème de santé. Contrairement à ce que certains pourraient penser, les femmes accros au sexe souffrent terriblement. Elles ont désespérément besoin de sexe et de mecs pour exister, pour se sentir vivantes; et toute notion de plaisir, d’érotisme, d’intimité, d’attachement disparaissent pour laisser la place à un comportement compulsif, machinal… Elles ont besoin de beaucoup de compassion, d’écoute, de soutien… pour leur éviter une descente en enfer.»
Marlène Aoun Fakhoury