Les planches du théâtre Gemayzé accueillent la pièce Les Liaisons Dangereuses, adaptée et mise en scène par Joe Kodeih.
Femme est allée à sa rencontre.
On n’oublie jamais la première fois qu’on monte sur scène, le premier rôle qu’on interprète. Pour Joe Kodeih, cette première fois a eu lieu en 1993, dans le cadre d’un projet de diplôme: à 24 ans, il s’était glissé sans aucune expérience théâtrale, dans la peau du Chevalier de Valmont, dans une adaptation universitaire des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. «C’est une expérience qui m’a marqué, se rappelle-t-il. On était des étudiants à l’époque, mais ce qu’on avait fait était très beau et en même temps personnel.» Le pourquoi de cette réadaptation est donc clair: raviver le souvenir de cette première fois, et répondre à l’envie «de remonter les Liaisons dangereuses, d’une façon ou d’une autre.»
Préserver l’âme du texte
Une idée qu’il met finalement à exécution. Il y a plus d’un an et demi, il se met à réécrire pour adapter l’un des plus célèbres romans épistolaires de tous les temps, étoffant ses recherches par diverses sources, théâtrale, littéraire, cinématographique. Au texte de base de Laclos s’ajoutent les adaptations cinématographiques de Hampton et Vadim, des poèmes en prose, une adaptation libre en théâtre chinois, Noh, et, ajoute-t-il, «j’ai su que John Malkovitch l’avait mis en scène en français à Paris, il y a deux ou trois ans. Je ne l’ai su que quand j’ai démarré les répétitions, et j’ai découvert qu’il avait utilisé les moyens techniques que j’envisageais, comme les réseaux sociaux.»
Une tâche difficile que celle de traduire le texte en dialecte libanais «sans toutefois en vulgariser l’âme», que celle d’adapter les événements à un contexte qui pourrait s’adresser aux Libanais, avant de décider, après avoir envisagé plusieurs pistes, de «laisser les personnages dans leur contexte historique et littéraire», en ne «libanisant» pas les noms ni le titre, en situant la pièce dans un «contexte atemporel», tout en axant le travail sur la rigueur littéraire, sur la rigueur des personnages. «Comme dans l’adaptation d’Amadeus où Salieri est le narrateur, j’ai fait en sorte que Danceny soit le fil conducteur entre toutes les scènes. Principalement, tout se passe dans la tête de celui qui, au final, a tué Valmont, et qui était à sa façon une sorte de victime. Mais il garde le complexe de Valmont qui représente en quelque sorte l’image du père. Dans une analyse un peu plus poussée, c’est une relation peut-être homosexuelle latente.»
Un casting solide
On retrouve Bernadette Hodeib avec qui Joe voulait jouer depuis des années, et qui, dans la peau de Merteuil «s’investit non seulement au niveau du personnage, mais au niveau de toute la pièce»; Solange Trak, avec qui les sessions de méthode se sont enchaînées de manière à ce que le spectateur puisse suivre le développement en dents de scie de Tourvel, un personnage en apparence très sorbe, discret… mais aussi le personnage le plus difficile et le plus ingrat, passant de la chasteté à l’adultère; Patricia Samyra, dont la présence et la motricité lors des auditions ont été convaincantes pour assumer le rôle de Cécile de Volanges; Bruno Tabbal, alias Danceny, qui apporte de par sa présence sur scène, «une sorte d’étincelle dans une dramaturgie qui peut être lourde, sexuée, vicieuse, ambiguë. Je pense que mon casting est très solide», ajoute Joe Kodeih, avant d’expliquer que pour le rôle de Valmont, en raison des tabous dans ce pays, l’image de marque, la religion, la société, le statut, il a dû opter pour la solution la plus difficile: qui est celle de jouer lui-même le rôle, tout en gérant le texte, la mise en scène, la production.
Cinq personnages, une quinzaine de tableaux, une chorégraphie signée Mazen Kiwan. Pour Joe Kodeih, le plus important est que le spectateur puisse se concentrer sur la trame, garder le fil conducteur des événements.
Après le succès de ses one-man show, Joe Kodeih retrouve le théâtre.
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N.R.