La calligraphie, tout un art, toute une science. Et quand elle se décline à travers les lettres, les formes et les mots du calligraphe parisien Nicolas Ouchenir, c’est tout un univers qui s’entrouvre, esthétique et simple à la fois.
Il a la calligraphie dans le sang, dans le regard pétillant, dans le geste de la main, le mouvement des lettres, des couleurs et des formes, dans l’explosion des sens. Nicolas Ouchenir vit et respire de calligraphie, de sa passion devenue son métier. «Je ne vais pas à mon atelier, j’y cours», dit-il.
Le sourire se mêle aux souvenirs, aux mots, aux images évocatrices de l’enfance. Haut comme trois pommes, son regard de petit gamin n’atteint que la surface du bureau; là, sur son plan de travail, le pédiatre griffonne d’un geste fébrile et rapide à la fois, des mots à la vitesse du vent, le bruit de la feuille qu’il détache du calepin qu’il tend à la maman, et où s’étale une écriture à tel point illisible que seule la pharmacie d’en bas peut la déchiffrer. Une écriture qui guérit, qui soigne, une ordonnance perçue par ce regard d’enfant comme «un parchemin», un remède, un souvenir qui dégage une odeur de potion magique. «Cette histoire m’a forcément bouleversé», se rappelle encore Nicolas Ouchenir, attablé au cœur de la boutique Alice Eddé à Byblos, ses outils de travail trônant de part et d’autre, pinceaux, peinture, encre et feuilles, et entouré d’une multitude de souries, accroché aux traits des visiteurs curieux et émerveillés.
À son actif des collaborations avec Louis Vuitton, Hermès, Moët et Chandon, Christian Dior, Gucci, Miu Miu, Cartier… Nicolas Ouchenir était de passage au Liban pour un atelier de travail en calligraphie auprès des étudiants de la LAU à Jbeil et pour une collaboration avec Alice Eddé sur une série de trousses en cuir. D’emblée, dès la première approche, il s’impose comme un grand esthète d’une étonnante simplicité. Une dualité qui se résout dans sa personnalité, son attitude, sa perception du métier. «La calligraphie est la science de bien savoir former des lettres, c’est la beauté de l’écriture. La beauté est très subjective, et moi j’aime quand ce n’est pas beau, quand ce n’est pas bien formé. Il faut qu’il y ait des bavures, des traces pour que ça puisse m’intéresser, pour qu’il y ait une chaleur, une atmosphère. Quand c’est instinctif, mais pas hasardeux, quand ça vient de l’intérieur.»
Les secrets de l’écriture
Issu d’une famille d’esthètes épris d’écriture, Nicolas Ouchenir est devenu calligraphe au fil de la vie tout simplement, il y a 12 ans de cela. Mais la passion était là depuis le début, une obsession même. Contrairement aux petits garçons qui s’affichent sur les clichés d’enfance entourés de leurs petites voitures, Nicolas Ouchenir, lui, y figure bariolé d’encre, de la tête jusqu’aux pieds. Et toutes les photos, qu’il s’amusait adolescent à prendre, figeaient dans le temps mille et un styles d’écriture. Autodidacte, il n’a reçu aucune formation artistique, mis à part la danse, et il en est tout fier. La théorie pour lui, c’est du blabla; une manière de désacraliser «le grand calligraphe qui pue des cheveux, qui est dans son coin là-bas, intouchable, qui peut avoir des crises de nerf par manque d’inspiration… Ce n’est pas du tout mon truc. Je suis spirituel, mais mon inspiration, ce sont les gens, mes amis, la personne que j’aime, voir des gens, voler des lettres, saisir la candeur des débutants, sortir, danser, la musique… La calligraphie, c’est ça, c’est le rythme, l’explosion, la générosité.»
Quand il a été contacté par Alice Eddé, il a tout de suite été touché, ému par cette approche que lui ne saurait en aucun cas faire, n’étant pas comme il le dit «un fan de». Épris de l’univers tout en fraîcheur d’Alice Eddé, la collaboration se met en place, et le voilà, à sa grande surprise, face à des étudiants libanais pour des moments de partage, de candeur, de recherche identitaire, d’intensité. «Il va falloir imaginer des choses, des échanges avec le Liban, dit-il encore, parce qu’il n’y pas qu’une seule université.»
N.R.