Kangana Ranaut est une star dans son pays l’Inde, où des films comme «Gangster», «Fashion» ou «Tanu Weds Manu» ont contribué à booster sa carrière au théâtre. Une carrière entamée alors qu’elle était encore très jeune. Et puis vint «Queen», du réalisateur Vikas Bahl, qui raconte l’émancipation d’une jeune Indienne suite à une déception amoureuse. Le film déclenche l’intérêt au-delà des frontières. «Queen» devint un film événement et son héroïne Kangana Ranaut, une actrice prisée au point que Dior en fait l’une de ses ambassadrices internationales et l’invite à présenter sa collection printemps-été 2016 à Paris.
C’est dans le cadre somptueux d’un palace parisien que Femme a rencontré la belle Kangana.
Comment avez-vous atterri sur le projet du film «Queen»?
Le réalisateur Vikas Bahl m’a envoyé le scénario du film et m’a proposé d’y tenir le rôle principal. J’ai lu le script avec intérêt mais j’ai longtemps hésité avant de dire oui, car sur le papier cela me semblait être un film touristique plutôt qu’autre chose. Un tournage entre Amsterdam et Paris et l’histoire d’une fille qui se console de sa déception amoureuse en voyageant, je n’y trouvais pas mon compte finalement, et je l’ai fait savoir très honnêtement à Vikas Bahl. Heureusement, il ne s’est pas contenté de ma réaction et a demandé à me rencontrer. C’est là qu’il m’a expliqué comment cette fille qui se trouve larguée par son fiancé à la veille de leur mariage, va entreprendre un voyage de noces en célibataire, et affirmer sa personnalité et sa féminité pour aller au-delà des tabous imposés à la femme en Inde. C’était bien plus qu’un film touristique, j’ai donc dit oui.
Le film donne donc une image différente de la femme indienne par rapport à celle relayée à travers les productions locales?
Oui, dans une certaine mesure. Je ne dis pas que «Queen» révolutionne le cinéma indien, mais il permet de percevoir la femme indienne sous un jour différent. Le spectateur découvre ici une femme qui s’affirme et veut exister par elle-même dans une société patriarcale où il est difficile de briser les tabous et de changer les mentalités.
Le film a-t-il bien marché en Inde?
Le film a connu un début de carrière plutôt difficile, et bénéficiant de peu de moyens financiers et par conséquent, publicitaires, il est sorti dans un petit nombre de salles et n’a pas drainé les foules. Le succès s’est construit petit à petit à travers un bouche à oreille positif, et au bout du compte nous avons battu des records au box-office indien, ce qui est flatteur, parce que c’est le public qui a plébiscité le film. D’où l’intérêt qu’ont eu plus tard des distributeurs internationaux et des festivals.
Vous avez récolté le prix de la meilleure actrice en Inde pour ce film. Qu’est-ce que cela change pour vous?
Pas grand-chose si ce n’est la satisfaction d’être récompensée. J’ai vécu cela comme une élève qui reçoit un prix d’excellence en fin d’année scolaire, mais je n’en attends pas autre chose sur le plan de mon travail. Je dois garder la même vigilance dans les choix de mes films, voire être même un peu plus sélective à l’avenir, mais pas à cause du prix d’interprétation. Par maturité tout simplement.
Dans «Queen» vous jouez, chantez et dansez. Dans laquelle de ces disciplines vous sentez-vous le plus à l’aise?
Pour moi jouer, chanter et danser font partie de la même discipline du spectacle, et je pratique cette discipline justement depuis toute jeune. Maintenant entre la comédie et le drame, je penche pour la comédie que je trouve plus difficile, mais j’adore faire rire les gens. Je fais cela depuis ma plus tendre enfance, par des imitations et des clowneries.
Où avez-vous été formée?
Nous n’avons pas en Inde ce même système de formation obligatoire dans des écoles spécialisées. Je me suis formée sur le tas en pratiquant la comédie de même que la danse et le chant tout au long de mes jeunes années.
Avez-vous réussi facilement?
Pas du tout. Je n’appartiens pas à une famille ancrée dans le monde du spectacle et j’ai dû me battre par moi-même pour m’imposer. J’ai passé de longues années à apparaître dans des petits rôles au cinéma avant que la chance me fasse signe. En Inde, le cinéma est géré par des familles et des clans, et si l’on n’en fait pas partie, rien n’est moins évident que de se faire une place au soleil.
Vous considérez-vous proche de Rani, l’héroïne de «Queen» que vous interprétez?
Oui, dans une certaine mesure. Je sais ce que je veux et j’ai un esprit indépendant, c’est ce qu’elle devient à la fin du film. Mais de manière générale, je me considère moins naïve qu’elle.
Existe-t-il des femmes cinéastes en Inde?
Il en existe mais vraiment très peu. Il y en a qui sont techniciennes, assistantes, photographes ou maquilleuses, mais il va effectivement falloir qu’une génération de réalisatrices voit le jour et s’impose pour que les mentalités évoluent et l’image de la femme avec.
Et Dior dans tout cela?
Je suis honorée et flattée de faire maintenant partie des ambassadrices de cette Maison de prestige. Que dire d’autre…
Êtes-vous une fashion-victim?
Non. Je suis trop indépendante pour être victime de quoi que ce soit. Cela ne m’empêche pas d’aimer la mode et l’élégance, mais je façonne ma garde-robe à ma manière sans suivre ce qui se fait, les yeux fermés.
Propos recueillis à Paris par Nabil Massad.