Pour la première fois dans l’histoire du Liban, plus de 100 femmes présentent leur candidature aux élections législatives. Rencontre avec 5 candidates présentes sur les listes des différents partis.
Victoria Khoury Zwein (Sabaa)
Rester et se battre
Experte en indicateurs urbains, membre du conseil municipal de Sin el-Fil où elle préside la commission du développement local, tout le monde la connaît sous le prénom Vicky. Candidate sur la liste «Koullouna Watani» du parti Sabaa au Metn, Victoria Zwein a assuré la formation dans de nombreuses municipalités au Liban et dans les pays arabes sur divers thèmes dont le développement local et le strategic planning. «Depuis 1999, je travaille en tant que consultante auprès de nombreuses ONG locales et internationales. J’ai également collaboré avec l’Organisation des Nations-Unies pour les femmes afin de former les femmes en matière politique et leur apprendre à dessiner des politiques générales.»
Mariée à Ribal Zwein, ses deux garçons Raphaël et Ricardo font son bonheur. Pourquoi la politique? «Même quand on parle de droits fondamentaux, on est accusée d’être irréalistes. Je suis une femme qui n’a jamais renoncé ou baissé les bras. Je refuse de le faire maintenant. Je le dois à mes enfants. Je rêve et je prends mes rêves au sérieux! On ne peut plus se permettre de prendre du temps pour décider si on veut apporter un changement radical au niveau du pays ou non. À mon avis, soit on décide d’immigrer (et c’est un choix), soit de rester. Si on veut rester, il faut opter pour le changement. J’ai décidé de rester et d’agir. Je suis cofondatrice du parti Sabaa car, à mon avis, le changement ne commence qu’à travers des partis qui représentent toutes les régions et toutes les confessions et qui ne tournent pas autour d’un zaïm.»
Son objectif principal si elle est élue? «En tant que mère, mon objectif principal est de limiter l’immigration de nos jeunes, à travers la création de nouveaux emplois et la réforme du système éducatif au niveau des programmes et des écoles et universités publiques. Il faut procéder à un remaniement complet du système éducatif.»
Théodora Bejjani (Kataëb)
Maintenir les jeunes dans leurs villages
Elle est originaire de la localité de Kahalé dans le caza d’Aley. Depuis 2006 elle est membre du parti Kataëb. Architecte d’intérieur, célibataire, Théodora Bejjani est à 27 ans, la plus jeune candidate et aussi la plus jeune d’une famille composée de trois filles. «Il n’y a pas de garçons chez nous, mais on me considère comme tel dans la famille», dit-elle, amusée.
Théodora a œuvré dans plusieurs sections au sein du parti, notamment celle des étudiants et de la femme. «Le parti sait apprécier les compétences de chacun et c’est lui qui a décidé de désigner ses candidats aux législatives. Le choix s’est porté sur moi pour le siège maronite dans la circonscription d’Aley.» Théodora estime que c’est une grande responsabilité. «J’habite Kahalé et je connais bien les besoins et les problèmes de la région.»
Au cas où elle est élue, son objectif premier est de «travailler pour les jeunes de ma région. Ramener ceux qui sont partis et maintenir au Liban ceux qui sont là en leur créant des emplois. Il faudrait, par ailleurs, adopter une nouvelle politique en matière de logement, adaptée aux besoins des jeunes, afin qu’ils puissent s’ancrer dans leurs localités. Sans oublier aussi de renforcer le système éducatif, en particulier les écoles de la région.» Théodora est très active sur le terrain. «Je n’ai pas voulu quitter le pays, malgré les occasions qui se sont présentées à moi. J’ai décidé de rester et de travailler pour mon pays.» Sa candidature en tant que femme peut avoir un impact positif. «Les gens veulent de nouveaux visages. Je suis jeune et très enthousiasmée par ce que je fais. Les gens ont accueilli positivement ma candidature.» Sa priorité est de travailler sur l’abolition des lois discriminatoires envers la femme. «Je suis convaincue que si nous ne réclamons pas nos droits, personne ne nous les donnera.»
Jessica Azar (Indépendante sur la liste des FL au Metn)
Les jeunes au Parlement
Jessica Azar n’est pas une inconnue du grand public. Depuis neuf ans, elle présente le journal télévisé de la MTV. Elle réalise aussi des reportages et des enquêtes pour la chaîne. «Pourtant, ce que les gens ne savent pas c’est que je suis engagée dans le domaine politique depuis 11 ans, cela remonte à l’époque où j’étais encore à l’université.» Elle faisait partie du mouvement du 14 mars. Et aussi «du gouvernement de l’ombre fondé par Gebran Tuéni.»
Célibataire, elle a une seule sœur. Pourquoi les élections législatives? «J’ai décidé de foncer car aujourd’hui, la possibilité de changer les choses est réelle. Je pense pouvoir le faire en tant que femme.»
Au cas où elle est élue, sa «priorité ce sont les gens et en particulier les jeunes. Je voudrais œuvrer pour assurer aux citoyens le minimum vital et maintenir les jeunes dans leur pays. Je vais me battre pour la liberté en général et surtout pour protéger la liberté d’expression.» Jessica Azar estime qu’elle n’est pas porteuse de slogans vides et de mots creux mais de projets qui peuvent être concrétisés au quotidien. Son souhait? «Voir des jeunes et de nouvelles figures accéder au parlement, c’est à travers eux que le véritable changement peut se produire. Les jeunes représentent notre force.» Fait-elle partie des Forces Libanaises? «Je me présente en tant que candidate indépendante sur la liste appuyée par les Forces Libanaises au Metn.»
Ghada Assaf (CPL)
De l’encre et du papier
Originaire de Tamnine el Fawka, localité du caza de Baalbek-Hermel, de confession chiite, Ghada Assaf, membre du Courant Patriotique Libre depuis plus de deux ans et demi, est une fervente supporter de ce courant depuis toujours. Coordinatrice du comité de l’action nationale au sein du parti, elle est diplômée en hautes études de littérature et de langue française, professeur et coordinatrice du français à l’école publique de Tamnine el Tahta. Mariée au Dr en médecine Ghassan Kassem, elle est l’heureuse maman de trois filles, dont des jumelles «qui sont toute ma vie», dit-elle. La candidate porte un grand intérêt à la vie culturelle. «Ma maison a accueilli de nombreuses réunions culturelles, poétiques et politiques.»
Pourquoi le CPL et pas le Hezbollah? Elle répond avec une franchise déroutante: «J’appuie le Hezbollah dans sa lutte contre Israël mais sur le plan interne, il ne répond pas à mes aspirations. Le CPL offre à des citoyens différents l’opportunité de partager une vision commune, à savoir la reconnaissance d’Israël comme ennemi, mais aussi l’occasion de se rassembler autour de causes internes communes comme la lutte contre la corruption, le renforcement des institutions et l’édification de l’état de droit.» Pourquoi la politique? «Je veux promouvoir la pensée du président Michel Aoun. Je suis fière de vivre l’époque de cet homme exceptionnel que l’histoire retiendra. Je me présente dans une circonscription où mes chances d’être élue sont minimes, mais c'est pour axer sur le rôle que joue le CPL dans cette région qui n’est pas le monopole d’un parti déterminé.»
Au cas où elle est élue, Ghada Assaf a pour objectif principal de créer une plateforme unifiée par le biais de la culture. «Je viens d’un background culturel et je voudrais que l’enseignement et l’éducation ciblent la construction du pays et du citoyen. Ma cause, c’est l’encre et le papier et non pas de l’encre sur papier.»
Rola Tabsh Jaroudi (Courant du Futur)
Pour les droits de la femme et de l’enfant
Avocate de profession, Rola Tabsh Jaroudi a plus de 20 ans d’expérience dans le domaine des transactions commerciales et immobilières au niveau local, régional et international. Avec son mari Afif Jaroudi, ils sont les heureux parents de Issam, 8 ans.
Depuis 2016, Rola Jaroudi occupe le poste de directrice et gérante du bureau de Beyrouth du cabinet d’avocat Alem & Associés. Reconnue pour son support aux initiatives de la société civile, elle défend les droits des femmes et des enfants. «J’ai reçu de nombreux prix locaux et internationaux pour mon action.» En 2018, Al Global / Acquisition International lui a décerné le titre de la Femme la plus influente en droit des sociétés au Liban. «En 2016, j’ai été reconnue par le bureau de l’Unesco de Beyrouth pour mes efforts en formation de formateurs - compétences en entrepreneuriat social.»
Rola Jaroudi a fait partie de plusieurs commissions parlementaires et a contribué à la rédaction de nombreuses lois notamment celles en relation avec les fonds d’investissement en capital privé, la société unipersonnelle et les certificats de dépôts globaux. «J’ai fait partie du groupe responsable de la modification du code de commerce libanais et rédigé plusieurs articles et publications juridiques traitant de sujets relatifs à la gouvernance d’entreprise, la restructuration d’entreprises et la gestion immobilière.»
La candidate est activement impliquée depuis 2013 dans la stratégie de modernisation et de réforme du registre du commerce libanais en collaboration avec la Banque mondiale, le ministère de la Justice et le ministère des Finances.
Son principal objectif si elle accède au Parlement? «En tant qu’avocate et militante au sein des comités chargés d'amender et développer les législations, il est évident que le devoir parlementaire est mon choix. Si je réussis aux élections, je travaillerai sur l’égalité au niveau des opportunités, des postes, des droits, de l’éducation, de la culture et des capacités, afin d’améliorer la situation de la femme et celle de la société dans son ensemble. Œuvrer pour le droit d’accès à l’éducation et au développement par le biais de la modernisation des programmes éducatifs est une priorité. Je vais aussi faire mon possible pour que le corps éducatif obtienne ses droits et la femme, celui d’octroyer sa nationalité à ses enfants.»
Joëlle Seif