Cate Blanchett est, de par l’immense variété de ses rôles, l’une des stars de cinéma les plus intéressantes de sa génération. Maintes fois nommée aux Oscars et Golden Globes, plusieurs fois récompensée, la belle était à Paris pour la promotion du film «Carol» de Todd Haynes, dans lequel elle partage la vedette avec Rooney Mara. L’Australienne de 46 ans a répondu aux questions de Femme, dans le cadre élégant d’une suite à l’Hôtel Bristol.
Quel est l’élément clé qui vous a décidée à accepter ce rôle dans «Carol»?
Il y a en réalité deux éléments qui m’ont poussée à dire oui aux producteurs. Tout d’abord le fait que le film soit une adaptation du roman de Patricia Highsmith, dont je suis une immense fan, et puis l’audace qu’il a fallu à Highsmith, justement, pour écrire une histoire aussi osée dans le cadre des années cinquante du siècle dernier. À l’époque, l’homosexualité féminine, ou masculine d’ailleurs, n’étaient pas tolérées ouvertement, et montrer ainsi deux femmes d’âges et de conditions sociales complètement différents, braver les tabous et vivre leur amour au grand jour, témoigne d’un culot que je trouve attrayant. J’ai donc accepté sans hésitation de devenir la Carol en question.
Vous parlez des producteurs. Qu’en est-il de Todd Haynes, n’est-ce pas le metteur en scène qui fait le choix de ses acteurs?
Oui, bien sûr. Sauf que dans ce cas précis, la production m’avait contactée et soumis le scénario bien avant de confier la réalisation à Todd Haynes. Ainsi lorsque Todd a rejoint le projet, j’y étais déjà bien installée. Et comme nous avions déjà travaillé ensemble dans son film «I’m Not There», et que nous nous étions fort bien entendus, il n’y avait aucun risque qu’il veuille me remplacer par une autre comédienne.
Votre personnage, Carol, court beaucoup plus de risques que celui de la jeune femme incarnée par Rooney Mara. Comment l'avez-vous abordé psychologiquement?
Ce rôle était en effet un sacré poids sur mes épaules, et je dis cela dans un esprit positif, car plus un personnage est lourd à porter, plus il me séduit. Il est vrai que Carol a deux fois l’âge de la fille dont elle tombe amoureuse, qu’elle a un statut de bourgeoise, qu’elle est mariée et mère d’un enfant, et qu’elle court de par ces faits beaucoup plus de risques sociaux et familiaux que sa jeune compagne, célibataire et vendeuse dans un magasin. Étant dans la vraie vie, à vingt mille lieues de la Carol du film, je me suis mise à imaginer des situations que je pourrais vivre moi, Cate Blanchett, et qui me mettraient en danger de la même manière, tout en n’ayant rien à voir avec la réalité de Carol. J’ai rêvé, fantasmé autant que j’ai pu pour pouvoir livrer au final une interprétation qui soit la plus juste possible. Tout cela est resté entre moi et moi, personne n’a connu mon secret, pas même le réalisateur.
Comment était l’entente entre Rooney Mara et vous?
Nous avons volontairement, Rooney et moi, gardé nos distances hors du plateau, dans le but de ne pas devenir de grandes copines dans la vie de tous les jours, ce qui aurait faussé la donne et aurait pu être perceptible à l’écran. Il fallait rester amantes, différentes, passionnées et torturées à la fois, jamais amies proches. Nous avons joué le jeu toutes les deux dans l’intérêt du film, puis sommes tombées dans les bras l’une de l’autre à l’issue du dernier tour de manivelle comme on dit. Maintenant, nous sommes les meilleures amies du monde.
Propos recueillis à Paris par Nabil Massad