Tania a les cheveux clairsemés par des “trous”. Sa “pelade” a commencé à 13 ans. Elle a passé près de 25 ans à berner son entourage et ses médecins. On la traitait pour une pelade alors qu’elle souffrait de trichotillomanie, un trouble obsessionnel compulsif qui consiste à s’arracher les cheveux, les cils et les sourcils.
Je me souviens de la toute première fois que j’ai arraché. J’avais 13 ans, et cette manie dure depuis 25 ans. J’ai commencé par les cheveux, en les sélectionnant un à un. Cela me faisait mal, et pourtant, j’aimais cette souffrance… et je persistais. Après les cheveux, je suis passée aux cils. Je ne saurais décrire ce que procure cette sensation. Il faut être trichotillomane pour comprendre. Je reste étonnée de la facilité avec laquelle j’ai su berner mon entourage. Plus tard, même mon époux a été crédule: «C’est une maladie inconnue.» Le personnel médical que j’ai croisé, mon dermato, mon gynéco, tous n’ont jamais posé de questions… ils ont même décidé d’office que c’était une pelade.
Plus je mentais, meilleures devenaient mes justifications… Les années ont passé et le défrichage allait en augmentant… Je porte maintenant une perruque et ceci m’a donné des ailes au niveau de la confiance et de l’estime de soi. Mais accepter mon «état» a été un choix. Un choix de lâcheté peut-être mais le choix avec lequel j’arrive à vivre avec moi-même.
J’ai tout essayé: thérapies, crèmes, vitamines, produits naturels, promesses à moi-même, violence à moi-même… rien n’a fonctionné sauf une fois où j’ai réussi à rester huit mois sans déraciner un poil, assez longtemps pour que ma tête se regarnisse au complet. Je n’ai jamais compris le pourquoi de cette accalmie.
Les moments les plus difficiles? Lorsque je suis concentrée ou que je m’ennuie mais aussi quand je suis sur le point de m’endormir, un peu comme si c’était le seul moyen d’évacuer le stress de la journée… En fait, je sais que pour s’en sortir il faut dévoiler au plus grand nombre de gens possible le mal dont on souffre.
Tout d’abord pour se faire ramener à l’ordre au besoin mais aussi pour faire connaître un peu mieux cette maladie qui affecte beaucoup plus d’individus qu’on ne le croit. En théorie, je le sais mais je ne veux pas en parler, un peu comme on garde un secret. Cette maladie est mon jardin intime.
On raconte un peu partout sur Internet que pour se battre contre cette envie irrépressible, il faut se fixer des objectifs à court terme: essayer de ne pas toucher à un cheveu pendant 1 minute puis 2 etc. jusqu’à parvenir à durer une journée entière… Et puis quand on flanche, accepter le fait que c’est la maladie qui fait flancher. Mais curieusement, je vivais et vis toujours très bien avec cette maladie, elle fait partie de moi et je n’ai pas envie de «guérir»… Même lorsque j’ai vu le premier trou sur ma tête, je n’ai à aucun moment été terrorisée à l’idée de me retrouver chauve comme mon père. Je n’ai pas non plus essayé d’en parler à des personnes de confiance. Une fois je me suis amusée à essayer de réduire le nombre de cheveux arrachés par jour. C’était ma façon de me prouver que c’était moi qui contrôlais la maladie et non l’inverse… Oui, cela peut paraître insensé mais tant que je trompe mon entourage sur mon état réel, je me sens bien…
B.I.