Non, pas le père Noël. Il n’y est pour rien.
C’est le monde qui vient d’enfanter de nouvelles guerres.
Mais il n’y aura pas de couvre-feu pour Madame… L’état d’urgence sera juste à la fête, histoire de faire la belle jambe à toutes ces horreurs.
Les avions de chasse sont dans son ciel? La Marine de guerre menaçante longe les côtes? Les explosions se produisent de nuit comme de jour? Il pleut des bombes? Sa réponse à toute cette démence sera toute simple: un sapin de Noël! Même s’il faudra le poser sur un monticule d’ordures (Celles-là, qu’à Beyrouth, on a renoncé à ramasser depuis des mois…). Parce qu’elle a le diable à ses trousses, vite, Madame sort les guirlandes, les boules, et étale les cadeaux au pied de la crèche. Que la lumière soit! La bombe sera glacée. Aux marrons. Et le vin, rouge, coulera à gogo.
Elle lève son verre à ce monde qui se noie dans une violence absurde. Car Madame l’a décidé: la vie sera pour elle le seul prétexte pour faire la fête. Rien de nouveau sous le soleil, diriez-vous. Depuis le temps qu’à Beyrouth, on n’attend plus une raison de faire la fête.
Depuis des décennies, à Beyrouth, c’est tous les jours Noël. Même le père Noël n’est plus attendu pour la distribution des cadeaux. On boit, On danse… Pour oublier? Même pas. Pour ne pas y penser tout simplement.
De temps à autre, Madame prenait l’avion, pour s’éloigner… Quand Beyrouth la désespérait, Paris, Londres ou New York lui redonnaient espoir. Mais là, plus une destination ne lui paraît sûre! Même Paris est en guerre! Paris c’était son havre de paix.
Madame n’oublie pas l’Irak, la Syrie, le Congo et tant d’autres pays, où les populations meurent depuis si longtemps en silence, sans que des drapeaux ne recouvrent la toile en signe d’indignation. Où l’on a oublié de faire la fête. Où il faut tout réapprendre.
Mais elle refuse que le drame et l’horreur s’étendent plus loin sur cette Terre. Madame ne veut pas que Paris apprenne à vivre comme ça. Ni Bruxelles. Ni Tunis… Ni aucune autre capitale dans le monde.
Elle ne veut pas qu’encore d’autres citoyens insouciants, innocents, découvrent l’insécurité. Que ça explose de toutes parts! Et non, elle ne veut pas que la résilience devienne aussi la seconde nature d’autres populations de par le monde. Non, mille fois non.
Mais… Parce que les règles ne sont pas immuables. Parce que voilà que Paris ressort ses classiques! «Paris est une fête.» Dixit Hemingway. Parce que l’opération «Tous en Terrasse» à Paris est un pendant à «Faisons la fête à Beyrouth, tant que l’on est en vie»! Que désormais, à Paris, elle entend: «Même pas peur.» Comme un écho à Beyrouth, où depuis longtemps en signe de défiance et de résistance ultime à l’horreur, les survivants scandent après chaque explosion: «Combien de bombes avez-vous?»
Madame a décidé de s’accrocher au mythe du père Noël. Les fêtes malgré tout. Envers et contre tous. La joie à tout prix.
Car Noël, c’est aussi un prétexte. Surtout, un rappel. Celui d’une renaissance. De l’espoir. De la victoire du Bien sur le Mal. De l’image d’un Dieu amour. À condition d’y croire. De s’y accrocher. Comme à une bouée. Mieux, comme à un gilet de sauvetage. À enfiler à même le corps. Comme tous ces réfugiés qui fuient l’horreur sur une embarcation de fortune.
L’amour/la fête dans la peau.
De Beyrouth à Paris… D’Irak, en Syrie, à Tunis, Bamako, ou au Cameroun… Et, Bethléem, évidemment.
Joyeux Noël et bonne année à tous.
L.Z.