En dépit des progrès médicaux considérables accomplis depuis des décennies, le cancer reste un enjeu majeur de santé publique. Particulièrement, le cancer du sein qui est le plus répandu chez la femme. Selon l’OMS, environ 1,4 million de nouveaux cas sont diagnostiqués annuellement dans le monde, et plus de 450 000 patientes décèdent de la maladie. Une femme sur huit sera concernée durant sa vie par cette pathologie.
Grâce aux progrès de la génétique et de la biologie moléculaire, les malades bénéficient aujourd’hui de nouvelles avancées scientifiques: les thérapies ciblées et l’immunothérapie… Des traitements d’espoir qui révolutionnent le monde médical. Le point avec le Professeur Domergue Jacques, Directeur de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM).
Qu’est-ce qu’une thérapie ciblée?
Il s’agit de traitements qui représentent une révolution dans leur mécanisme d’action, à un niveau très précis du développement de la cellule cancéreuse, pour qu’ils soient plus personnalisés, plus adaptés à chaque patient. Comme leur nom l’indique, ils ciblent les cellules responsables de la maladie, sans endommager les tissus sains environnants. La médecine personnalisée est une des voies les plus prometteuses en cancérologie. Elle consiste à traiter chaque patient de façon individualisée en fonction des spécificités génétiques et biologiques de sa tumeur mais également en tenant compte de l’environnement du patient, de son mode de vie…
C’est-à-dire?
Le but de la médecine personnalisée est d’améliorer la performance des soins, la qualité de vie des patients et d’éviter des traitements inutiles. Les techniques actuelles permettent de déterminer de façon de plus en plus précise les caractéristiques de chaque tumeur afin de préciser le diagnostic, d’identifier les anomalies en cause et de les traiter, lorsque cela est possible, avec une thérapie ciblée. Elles permettent également d’obtenir des marqueurs d’efficacité des traitements et de connaître l’évolution probable de la maladie, comme l’apparition de métastases, pour adapter le suivi.
Quels types de cancers bénéficient de ce nouveau traitement?
Le développement des thérapies ciblées est très prometteur et va s’étendre à tous les types de cancers: digestif, colon, poumon… Le cancer du sein est l’un de ceux qui bénéficient déjà, dans certaines indications, de ces nouvelles molécules «révolutionnaires». Mais ces thérapies ne remplacent pas systématiquement la chimiothérapie. Selon le type et le développement du cancer, les thérapies ciblées prendront le relais de la chimiothérapie ou seront associées à celle-ci pour essayer d’augmenter son efficacité.
Peut-on parler de véritable progrès en matière de traitement du cancer du sein?
On connaissait un ou deux genres de cancer du sein et toutes les malades bénéficiaient du même traitement. Aujourd’hui, on sait qu’il n’existe pas un cancer mais des dizaines de cancers du sein différents, démembrés en plusieurs catégories, à travers des récepteurs ou des marqueurs présents à la surface des tumeurs. Et qui, en répondant à certains médicaments, vont détruire les cellules tumorales. Alors que certaines formes de cette maladie sont traitées avec succès, d’autres sont plus difficiles à combattre. C’est le cas, lorsque les cellules de la tumeur ont à leur surface de trop nombreuses protéines HER2. Il n’y a en principe que peu d’éléments HER2 sur la surface cellulaire des cellules saines. Pourtant, plus d’un quart des patientes atteintes de cancer du sein ont un défaut génétique et produisent cette protéine en grande quantité. Lorsqu’une cellule possède un nombre excessif de protéines HER2, elle va se diviser fréquemment et la tumeur va s’accroître rapidement et de façon incontrôlée. Les patientes HER2 positif vont de ce fait souffrir d’une forme particulièrement maligne du cancer du sein. Ainsi, l’existence des marqueurs ou des récepteurs HER2 permettent de caractériser le cancer du sein et de définir l’indication du traitement par l’Herceptine.
Comment agit l’Herceptine?
Pour certains cancers du sein, l’Herceptine a fait révolution! Cette protéine présente un mode d’action spécifique. Elle est notamment capable de bloquer les fameux récepteurs HER2 et de faire fondre la tumeur d’une façon spectaculaire. L’Herceptine reconnaît la protéine HER2 à la surface des cellules tumorales. Elle se fixe sur les cellules cancéreuses et stoppe le mécanisme nécessaire à leur prolifération. Ce traitement ciblé a l’avantage aussi de ne pas avoir d’effets secondaires importants (frissons, fièvres, éruptions cutanées, troubles de la tension…). Un test effectué avant le début d’un traitement par Herceptine va pouvoir déterminer si la patiente possède réellement le défaut génétique HER2 ou non. On va s’assurer ainsi que seules les patientes qui en ont effectivement besoin puissent bénéficier du médicament. De cette manière, on évite des traitements et des coûts inutiles.
Quels sont les résultats enregistrés jusqu’à présent?
Les premiers résultats avec ces nouvelles thérapies sont très encourageants. Celles-ci permettent dans certains types de cancer de réduire les risques de récidive. Le développement des thérapies ciblées a permis de constater une résistance plus importante avec une survie moyenne passant de 20 mois à 25 mois; une réduction du risque de décès; un ralentissement de la croissance du cancer; et un soulagement des symptômes. Malgré leurs avantages et leur avenir prometteur, les thérapies ciblées sont encore trop récentes pour devenir rapidement le traitement unique du cancer. Qu’elles soient utilisées seules ou en association avec la chimiothérapie, elles améliorent les résultats du traitement.
Quelle différence avec la chimiothérapie?
La chimiothérapie est un traitement général qui s’attaque aux cellules cancéreuses en les détruisant, mais aussi aux cellules saines fragiles. Les thérapies moléculaires ciblées sont des molécules (médicaments) plus «intelligentes», qui agissent directement sur les mécanismes de régulation de la multiplication et de la croissance des cellules. Ainsi, ces traitements empêchent la prolifération des cellules tumorales. Autrement dit, ils vont limiter l’extension de la tumeur en bloquant les facteurs de croissance des cellules malades. Ils sont plus efficaces et moins toxiques.
Marlène Aoun Fakhoury
