Les œuvres en céramique signées par six artistes et exposées à la galerie Tanit* affichent des formes diverses allant de la figuration à l’abstraction, mais elles s’inscrivent dans un même registre, basé sur la maîtrise du geste et sur le respect de la matière authentique pour donner en partage les émotions que la terre procure.
Les œuvres sont le fruit d’une démarche contemporaine qui s’éloigne des gestes du potier d’autrefois qui portait un intérêt exclusif au côté utilitaire. Les artistes, qui se sont interrogés autant sur le contenant que sur le contenu, ont réussi le pari de mettre au point une formule qui englobe un rapport égal entre l’objet, la forme et la couleur. «Chacun d’entre eux questionne une sorte de mémoire et instaure à travers ses travaux un dialogue profond et une dialectique complexe entre art et artisanat pour bousculer, transgresser et réinventer», avance Clémence Cottard Hachem, l’une des responsables de l’exposition. Cinq formes d’expression se côtoient dans chaque céramique et se font écho avec harmonie: glaise, eau et argile, des éléments issus de la terre et qui, dans une deuxième étape, ont besoin d’air pour sécher et dans une troisième étape, du feu pour cuire.
Souraya Haddad Crédoz
Ce professeur de QI Gong interroge la stabilité et l’instabilité des pièces. Pourtant, la céramique doit être stable. Or, elle joue de ce paradoxe entre fragilité, décentrement et stabilité. Elle part d’un centre et tourne autour puis déséquilibre sa pièce pour questionner sans cesse les limites de l’équilibre, et cela afin de laisser s’installer un nouvel ordre. Étant également paysagiste, l’artiste puise dans la végétation, ses formes d’escargots, de fleurs…
Michèle Assaf Kamel
Ses œuvres se jouent de la perception, face et dos composent une série de jeux pour réinventer des formes animales. Dans chaque céramique on découvre un double sens avec une face animalière et l’autre scripturale. «Chacun est libre de se projeter dans ce qu’il voit.» Michèle s’est inspirée d’un alphabet qu’elle a inventé mais sous l’influence de l’alphabet phénicien.
Joseph Abi Yaghi
Ses œuvres à la palette chromatique limitée ont quelque chose de monacal et sont réalisées comme des mantras. Lorsqu’on les touche, elles résonnent comme des instruments religieux car l’artiste est un grand mystique. En forme de bols consacrés à l’aumône, ses créations deviennent des objets méditatifs.
Samir Müller
Né dans une famille de potiers, et donc influencé très jeune par cet artisanat, il conçoit des formes intéressantes décoratives plus qu’utilitaires. «Sur les surfaces sont dessinés des paysages abstraits, avec un trou étroit au centre permettant de scruter l’intérieur, pour amener le visiteur à se questionner.» Le trou noir au centre est comme un œil aveuglé par l’espace infini et le vide à l’intérieur fait référence à un mystère inaccessible.
Les Dalo
Dalo est une signature que se partage un duo de céramistes français formé par Daniel Derock et Loïc de Bailliencourt. Influencés par la céramique de années 50 et 60 et s’inspirant de l’imagerie populaire, ils réalisent des visages-idoles muets, teintés d’humour, qui ressemblent à des masques africains ou sud-asiatiques issus d’un monde imaginaire peuplé d’êtres sans noms.
* Jusqu’au 14 août.
E.T.