Qui sont-ils?
Dans les rues, les petits mendiants se sont multipliés récemment. Alors qu’ils devraient être à l’école ou le soir chez eux à l’abri des dangers qui les guettent, ils sont là, insistants, réclamant l’aumône. Si les petits sont dans la détresse et la misère, pour certains adultes toutes les machinations sont bonnes pour émouvoir le public.
Âgés de moins de 15 ans pour la plupart, exploités le plus souvent, les enfants des rues sont susceptibles d’être les victimes du trafic humain, des abus sexuels et de la violence. Les «mieux lotis» proposent à la vente des chewing-gums ou des fleurs aux feux rouges, d’autres mendient ou fouillent dans les poubelles pour trouver de quoi manger.
Où en est notre pays de la Convention internationale des Droits de l’enfant?
Kamal n’a que 11 ans, mais connaît déjà bien la vie dans la rue. Ses parents ont divorcé quand il était tout petit et il vivait avec son père. Ce dernier s’étant remarié, sa belle-mère, déjà mère d’un garçon, n’a pas voulu de lui. «Ils me traitaient mal, me frappaient, confie Kamal, les larmes aux yeux. Un jour, ils m’ont annoncé qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour pourvoir à mes besoins et que je devais travailler pour gagner ma vie. Je pouvais juste bénéficier d’un petit coin de leur taudis pour dormir. Ce fut le début de mon expérience dans la rue: je me familiarisais avec la faim, le froid, la solitude… Pour obtenir quelques sous, je lave parfois des vitres, je cire des chaussures ou, à défaut, je mendie… Parfois même, je vole. Je ne sais pas comment apaiser ma faim tous les jours. Je me nourris de ce que je trouve dans les poubelles. Ce que je fais parfois, c’est attendre à la porte des restaurants pour demander les restes. Dans la rue, je fais très attention, révèle Kamal, parce que je vois certains de mes camarades piégés par des adultes qui leur promettent de l’argent pour les aider, qui leur font miroiter un avenir meilleur. Or en vérité, leur objectif est tout autre. Ils nous «utilisent» en tant que porteurs, ou pour faire le ménage chez eux, ou parfois nous agressent et abusent sexuellement de nous… La vie dans la rue est très dure. Tout le monde essaie de vous exploiter: les enfants plus âgés, les voleurs… Personne ne se soucie de vous, de savoir si vous avez à manger ou pas.
Et pourtant, je rêve d’avoir une vie normale comme les autres, d’aller à l’école, de jouer…»
Le phénomène, essentiellement urbain, des enfants vivant dans les rues est de plus en plus recrudescent au Liban. À travers les artères des grandes villes, ces jeunes à l’allure négligée, misérable, ont fini par faire partie du décor, à tel point que beaucoup arrivent à en oublier le drame social qui se cache derrière…
Qui sont-ils? D’où viennent-ils? Qui les pousse à mendier? Quel rôle pour la société, l’État, afin d’endiguer ce «syndrome», cette menace potentielle que représente une nouvelle génération d’analphabètes voués à devenir de futurs délinquants?
La protection des mineurs fait l’objet d’une loi, la 422, mais jusqu’à quel point est-elle respectée? Quelles sont les lacunes à combler avant d’appliquer un système qui accorderait leurs droits aux enfants de moins de 18 ans, que ce soit pour les protéger ou pour prévenir les agressions dont ils sont victimes?
Le point avec le Docteur Elie Mkhayel, membre du Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la famille et ancien directeur du Conseil supérieur de l’enfant au Liban.
Marlène Aoun Fakhoury