Il arrive que le destin mette sur notre chemin une personne qui change le cours de notre vie. Pour Joumana Medlej ce fut Samir Sayegh. Rencontré durant ses études de Graphic Design à l’AUB, il lui demande de travailler avec lui. Elle avait commencé seule à réaliser des projets en free-lance, qu’il s’agisse d’animation, d’illustration de livres ou de publicité… En 2006, elle décide de rejoindre son professeur et de collaborer avec lui. Six années durant lesquelles elle observe et apprend, avant de s’envoler pour Londres avec pour objectif de se consacrer uniquement à la calligraphie arabe. «Je ne voulais plus rester au Liban, je voulais poursuivre cette voix artistique. Ici, j’étouffais. J’ai choisi Londres parce que c’est «the place to be» si l’on veut faire de la calligraphie arabe. Il n’y a pas de censure, pas de sensibilité politique ou religieuse, c’est cosmopolite. En plus il y a l’école «The Prince’s School of Traditional Arts» où j’ai eu la chance de prendre des cours et qui enseigne les méthodes traditionnelles comme la peinture d’icônes, le travail de l’or, des pigments… Un apprentissage unique au monde!»
De l’étudiante à l’enseignante!
À Londres, Joumana s’était fixé un délai, celui que lui accorderont ses économies pour réussir! Pari gagné puisqu’au bout de la première année elle quitte sa chambre pour emménager dans un espace plus grand qui lui sert également d’atelier. C’est là qu’elle donne des cours. «Je n’enseigne pas une méthode traditionnelle, l’élève ne copie pas des centaines de fois la lettre pour l’apprendre, ce n’est pas mon but. Chez moi, il comprend la lettre, comment elle est formée et surtout comment elle peut être transformée. Résultat, à la fin du cours, chaque élève produit un travail complètement différent selon son interprétation et sa créativité.» Elle enseigne aussi au British Art Center et donne des workshops dans d’autres universités. Mais ce qui l’occupe principalement, ce sont ses œuvres bien sûr!
Un mot / un tableau
Tout commence par un mot qu’elle détache d’une phrase ou qui retient son attention par son sens. «D’abord je vois ce que le mot contient, son rythme, et c’est de là que ressort son format, les dessins. Je le répète pour en faire une composition géométrique. Très souvent c’est rond et concentré. Puis je décide de la découpe du carton, des superpositions s’il y en a, des jeux d’ombres et de lumière, de l’utilisation de l’or, des effets, des couleurs… Parfois je travaille le bois ou je réalise des sculptures. Actuellement je travaille avec un ébéniste et j’espère que notre collaboration va être une réussite.»
Le style coufique que Joumana a choisi pour ses œuvres est la calligraphie arabe la plus ancienne. Pendant les 300 premières années de l’Islam, c’était la seule écriture utilisée pour écrire le Coran. C’est un art en soi. Il n’était pas destiné à être lu mais il se devait d’être beau pour en être inspiré, pour sentir qu’il venait de Dieu. Plus tard, la calligraphie a changé et c’est devenu un véhicule de communication. Le Koufi, c’est une manière de penser et non une forme précise, c’est pour cette raison qu’aucun tableau ne ressemble à l’autre.
Sur son site www.majnouna.com (anagramme de son prénom à une lettre près), elle met à jour régulièrement sa page pour montrer ses dernières toiles. Elle photographie les étapes de la réalisation, du croquis à la version finale, en passant par les découpages et la peinture. Une sorte de making of avec explications à l’appui.
Avec une exposition programmée à Londres en décembre, on n’a pas fini d’entendre parler d’elle!
Joëlle Maatalani Kurdy