Dans les beaux quartiers. Au centre-ville de Beyrouth. Et s’adonne tous les samedis matins, en plein centre commercial, à un rituel nature. Elle aime arriver tôt. Histoire de remplir son panier en toute quiétude, avant la cohue. C’est qu’il est question de bouffe. Mais, pas de malbouffe. Des légumes et des fruits de la montagne libanaise, tous frais. De préférence sans engrais. Bio, autant que faire se peut… Du jus de pomme de Akoura. Un mélange de jus de mûres et de raisin du Chouf. Et évidemment du jus d’orange, de citron… À siroter sur place. Ou à emporter. Des manakiches. Au Saj, bien sûr. Tiens et même un bon verre de vin du pays. Que l’on peut aussi déguster de bon matin, si l’envie nous prend. Madame se promet même un jour de l’accompagner de la manouché au fromage… version Cheese & wine! C’est que tout ce petit monde est si bien mélangé… Oum Ali, arrivée du Sud, côtoie le viticulteur qui propose à la dégustation sa dernière cuvée produite dans la plaine libanaise de la Békaa. Ajoutez à cela de la kebbé du Nord, des spécialités arméniennes, du Zaatar, des amandes, des noix… Un petit tour du Liban, bien gourmand! On trouve aussi des petits-fours, ou maamouls de grand-mère, faits maison. Du chocolat sans sucre ajouté, des biscuits édulcorés au stévia, cette herbe verte que l’agriculteur vient de cueillir de son jardin et exhibe fièrement… Mais aussi, le muffin au seigle, sucré à la mélasse et agrémenté de morceaux de figue… roi de la république des pains de Walid. Et puis, il y a Soumaya la tripolitaine, qui met du soleil dans nos tartines. Au sarrasin, à l’épeautre, à l’avoine… Le blé en moins. D’ailleurs, voilà que tous s’y mettent et s’improvisent nutritionnistes, la bonhomie en plus. Tel ce bon villageois qui jure ses grands dieux que ses douceurs sont healthy… Jusqu’à ce que sa femme avoue y avoir glissé du beurre, lors de la confection. Mais, tant que le cœur y est, faute à moitié pardonnée! Faut dire que la générosité est bien au rendez-vous! Tous invitent Madame à goûter. Et insistent tant et si bien qu’elle est très vite rassasiée.
Arrivée bien tôt, et ayant fait ses emplettes la première, Madame peut maintenant se poser sur une de ces tables et observer ce marché qui se remplit au fur et à mesure que Beyrouth s’éveille. Tenue de sport. Jupe fleurie campagnarde et tongs. Ou baskets jean et t-shirt. Chacun joue le jeu à sa façon. Y a les bobos, et y a ceux qui suivent le mouvement. En solo. Ou en famille, trottinette et poussette à l’appui. Le centre commercial prend soudain des airs de grand parc. Il y plane un esprit nouveau. Puisqu’il est question de redécouvrir les plaisirs simples. Même s’il y a toujours ceux qui viennent, sans grande conviction, juste parce «qu’on leur a dit que c’est bien». Ceux qui, noyés dans la foule, trouveront encore une bonne raison de voir et d’être vus…
Décidément, on ne les refera pas! Mais heureusement, il y a tous les autres. Ceux qui sont là rien que pour eux, dans une quête de bien-être absolu. Ils arrivent à pied, à vélo… Les enseignes s’humanisent. Pour manger, on s’approprie ces allées, et on y dresse de grandes tables en bois, ou en plastique. Tiens, y a même des jongleurs! Et des sourires. Dans le chantre du consumérisme, il est question de se reconnecter avec la terre, et tout ce qu’elle donne de meilleur. De redécouvrir les différentes régions du Liban, ainsi que leurs bonnes gens. Apprendre à les connaître. Et leur redonner rendez-vous, la semaine suivante.
Et, entre deux samedis, surtout ne pas rater une occasion de se réapproprier les autres rues de nos villes. Journées piétonnes à Achrafié. Et même à Hamra. Journées cyclistes à Badaro. Course à Jbeil… Allez, suivez Madame dans ses déambulations! Histoire d’oublier, pour quelques heures, les voitures et les voituriers.
L.Z.