Madame prendra bien une petite flûte. Histoire de fêter la rentrée. Dans une de ces galeries d’art, ou cette autre boutique huppée de Beyrouth. Semaine du design, Salon de l’Art Contemporain. Lancements des collections automne-hiver. Du grand couturier aux petites fringues… Festival culturel à Tripoli. Événement au musée Sursock… Dixit le calendrier, tout est prétexte à célébration. Jusqu’à cette brise automnale annonciatrice de changements. À commencer par la succession des saisons, alors que Madame est encore en vie, ce qui en soi tient du miracle, au vu de la menace terroriste mondialisée et des événements sécuritaires éprouvants qui ont ponctué ces derniers mois… Aussi, promis, son sarcasme lui ne bougera pas d’un iota. Même si les saisons, elles, se succèdent. Et se ressemblent. Ou pas.
D’ailleurs, la rentrée n’a jamais aussi bien porté son nom! Ça y est, tous ses concitoyens peuvent de nouveau jeter l’ancre à Beyrouth! (Les expats, passés en coup de vent embrasser la famille, sont déjà partis eux…). C’est que la plupart de ces festivités qui ont meublé cet été, se sont produites à l’étranger. Oubliée, la razzia des mariages au Liban. Désormais, bien souvent, on s’expatrie le temps de se passer la bague au doigt. Grèce, Italie, France, Espagne, Portugal, Russie, et Chypre bien sûr…
Aux fastes des cérémonies made in Lebanon, le nec plus ultra version 2016 est désormais d’embarquer ce beau monde, ces happy few, vers une destination pas si lointaine. Mais juste assez, néanmoins, pour pouvoir poster des photos sur les réseaux sociaux… Pas invité à la fête? Instagram et Facebook font office de faire-part. La surenchère est toujours de mise. Bon sang libanais ne saurait mentir. Alors, oui, certains poussent même la coquetterie jusqu’à se prendre en photo dans leur jet privé. Juste loué pour l’occasion. Le vol ne dure qu’une trentaine de minutes? Ce n’est pas grave. L’important est qu’il y ait assez de temps pour la prise de ce précieux Selfie…
Que tout ce faste qui s’expatrie rajoute à la morosité de la vie économique libanaise, est une autre histoire… Car, il faut se l’avouer, les mariages n’ont pas été le seul prétexte pour prendre le large. Nager dans une mer propre. S’étendre sur le sable chaud. Respirer de l’air frais. Se réfugier dans un gîte tranquille perdu dans la campagne d’un pays européen… Ont toutes été de bonnes raisons de prendre l’avion. L’été, on a envie de rêver. Alors on va voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Objectif: s’oublier. Loin de la Méditerranée sale, de l’air pollué. De la situation politique au paroxysme de la puanteur. Des vacances synonymes de fuite en avant, donc, aussi. Car voyager, c’est surtout s’échapper. Du quotidien. D’un pays en continuelles vacances. À tel point qu’il tient plus de l’Abysse. Tant le vide, qui devient si viscéral, manque de tout engloutir…
Mais, le dépaysement ne dure pas éternellement. Un jour, c’est la rentrée. On retourne sur nos pas. Même si notre profil Facebook ou Instagram affiche encore nos photos de vacances. Et après? On continue de rêver sa vie sur les réseaux sociaux? De la mettre en scène? Continuellement… Ou on décide d’affronter la réalité de ce pays, que l’on retrouve encore pire qu’on l’a laissé? À chaque fois. Immanquablement… Pour preuve ces sacs poubelle qui ont repointé leur nez, partie visible d’un iceberg encore plus pourri en profondeur…
Fatalité? Pas forcément. On peut décider de s’y soumettre. Ou de le Transformer. Le quotidien. Surtout pas l’enjoliver. Superficiellement. Ce n’est plus possible. La supercherie ne passe plus. Alors non on ne la vit plus à coup de Hashtags notre réalité. On la réinvente. Tout simplement. Aussi, cette rentrée, on se prend en main. Et on prend les problèmes à bras-le-corps. Comment? C’est à chacun de voir.
Pour sa part, Madame le sait bien, une dose d’audace est nécessaire. Alors, elle trinque. Aux nouveaux débuts. Car elle compte bien faire des bulles. Cette saison. Si. Si.
Allez, champagne tout le monde.
L.Z.