Lorsque Nabil a initié son premier contact virtuel avec Marie-Noëlle, elle aurait pu lui donner le Bon Dieu sans confession. Un profil sur Facebook qui inspire confiance. Il était croyant et pratiquant. Du genre à ne même pas s’autoriser un mensonge «blanc». L’homme idéal en somme. Seulement à défaut de paradis, la vie de Marie-Noëlle a basculé vers un enfer, et l’innocence affichée de Nabil s’est transformée en inquisition persécutrice doublée de lâcheté.
Enfin une rencontre d’âmes!, s’était dit Marie-Noëlle après le premier échange sur Facebook Messenger. Nabil ne ressemblait en rien aux hommes qui essaient de lier amitié pour draguer. De plus, il était géographiquement éloigné et n’avait pas le profil de celui qui cherche une aventure puisqu’une rencontre était d’office improbable, voire impossible. Nous nous sommes très vite trouvé des points communs: notre amour pour les livres, et la nostalgie du père perdu. Nous passions des heures à discuter, en messages privés. Très vite, nous étions devenus «addicts» à ce contact quotidien. Et puis nous sommes passés sur Viber. Nous nous racontions les menus détails de notre quotidien et nous nous confiions l’un à l’autre. Nous avons fini par parler sentiments. C’était à la fois fou et naturel. Nous étions deux inconnus et nous nous aimions sans nous être jamais vus, hormis les photos échangées. Nabil était très croyant et moi un peu distanciée de tout ce monde-là. Il a tout fait pour ramener la brebis galeuse que j’étais à l’Église. Pour moi, il n’y avait pas de doutes, Nabil était envoyé par mon père fraîchement décédé pour me conforter dans ma foi vacillante. Il me disait qu’il était libre, n’ayant jamais voulu passer la bague au doigt de quiconque. À mes yeux, Nabil était un homme comme il n’en existe plus. Mais petit à petit, il a commencé à être suspicieux, intrusif, alors qu’il n’y avait aucune raison pour cela.
Comme je m’étais confiée à lui, il m’a jeté mon passé à la figure, m’accusant de mille choses que j’étais à des années lumières de faire. Pour ma part, je lui faisais confiance et prenais ce qu’il me disait pour argent comptant. Après plusieurs disputes suivies de réconciliations durant lesquelles il disparaissait et me laissait brisée par le chagrin (c’était invariablement moi qui faisais le premier pas vers lui), nous nous sommes donné rendez-vous dans un pays à mi-chemin de nos deux villes de résidence et nous nous sommes vus pour un court laps de temps. Pour un «croyant-pratiquant-ne-vivant-pas-dans-le-péché-ou-la-luxure», il avait quand même songé à s’approvisionner en… préservatifs!
En fait, cet homme avait parcouru tout ce chemin pour finalement tenter de me draguer comme le plus commun des mortels. Il s’est montré charmant, drôle et aimant. Ce que je ne savais pas c’est que ce court moment était une simple parenthèse qui sera clôturée six semaines plus tard. Alors que j’étais encore sur mon nuage rose, sa nature vindicative a repris le dessus. Mon quotidien est devenu infernal. L’ambiance était toujours tendue et j’en suis arrivée à redouter nos communications. Les beaux jours du début ont fait place à une réalité amère. Le coup fut fatal lorsque j’ai appris qu’il avait une femme dans sa vie qui avait beaucoup d’emprise sur lui. J’ai coupé court avec lui sans désir de retour et me suis pris une belle claque doublée d’une bonne leçon. Je me demande finalement lequel de nous deux vit réellement sa religion. J’ai été bien plus entière et sincère que lui.
B.I.