Deux voyages initiatiques sur scène
Après l’immense succès du «Porteur d’Histoire» d’Alexis Michalik, présenté au théâtre Monnot en février dernier, Persona Productions présente fin juin, toujours sur les planches du théâtre Monnot, deux pièces qui promettent d’être un nouveau succès au Liban, Les Cavaliers et Un Obus dans le cœur.
LES CAVALIERS
Venu tout droit du Festival off d’Avignon 2014 où il a remporté un franc succès, le spectacle Les Cavaliers atterrit sur les planches du théâtre Monnot pour trois représentations exceptionnelles*, avant sa programmation à Paris l’hiver prochain. Pièce librement adaptée par Éric Bouvron du roman d’aventures éponyme de Joseph Kessel, formidable épopée littéraire miraculeusement transformée en 1h20 intense sur scène, Les Cavaliers est un spectacle tout public à partir de 14 ans, mis en scène par Eric Bouvron et Anne Bourgeois.
«Il faut à bride abattue galoper sans tarder vers Les Cavaliers, écrit La Marseillaise. Un coup au plexus, tant tout le travail y est remarquable. Une de ces pièces comme on en voit rarement, où tout y est fort bien fait avec peu de moyens en plus.»
Un tapis, trois tabourets et quelques accessoires, un musicien, Khalid K, qui de sa voix fait la bande-son en direct et trois comédiens, Grégori Baquet, Maïa Guéritte et Eric Bouvron. Et voilà les spectateurs transportés en Afghanistan, en 1957, pour suivre les aventures du jeune et orgueilleux Ouroz. Il participe au tournoi le plus important du pays, le Bouzkachi du Roi, un sport très violent où les cavaliers peuvent se permettre tous les coups. Mais Ouroz tombe de son cheval; en brisant sa jambe, il brise ses rêves. Humilié, il décide de rentrer dans sa province lointaine en prenant le chemin le plus difficile, une manière de faire amende honorable, d’effacer sa honte face à son père, le grand Toursène, héritier d’une longue lignée de cavaliers jusque-là couronnés par la gloire. Ainsi commence pour Ouroz, accompagné de son fidèle serviteur Mokkhi et de Jehol, son magnifique cheval fou, un long et périlleux voyage initiatique, nourri de lieux et de rencontres extraordinaires.
Véritable globe-trotter du théâtre, metteur en scène, chorégraphe, auteur, comédien, Eric Bouvron parcourt le monde pour nourrir ses créations et ses projets, que ce soit dans le désert du Kalahari avec les Bushmen, sur la banquise avec les Inuits, dans la jungle avec les Indiens d’Amazonie ou sur les steppes de Mongolie avec les chevaux… Alors quand un ami (lui) demande: «Maintenant que tu as voyagé au sud et au nord, c’est quoi le prochain voyage?», écrit-il dans la note d’intention. «Je me suis dit qu’il fallait aller là où on n’ose pas… l’Afghanistan!... Il m’a offert Les Cavaliers.»
L’aventure théâtrale s’est ainsi mise en place, parce qu’il a souhaité «raconter sur scène cette histoire extraordinaire et universelle. Dévoiler une époque qui exprimait des valeurs que nous, aujourd’hui, cherchons dans nos vies quotidiennes… Une histoire d’homme. Les failles de l’homme. Les esprits bâtis par ses failles… L’honneur, la dignité, la fierté.» Mais avant de commencer le travail sur le plateau, Eric Bouvron et certains membres de son équipe se sont rendus sur place, en Ouzbékistan, là où l’action se déroule, pour «s’imprégner. Sentir. Réinventer en s’inspirant des coutumes et du pays».
Plus de deux ans de travail et le résultat est bluffant, la critique s’accorde à le dire, évoquant «une pépite», «une pièce rare», la magie du théâtre et de la mise en scène qui fait dire à Reg’Arts, le magazine du spectacle vivant, que «rien n’est là et pourtant tout est là et c’est fantastique».
UN OBUS DANS LE CŒUR
Le public libanais a de nouveau rendez-vous avec Wajdi Mouawad, le temps d’effectuer un petit retour en arrière, jusqu’en 2007, date de la parution du livre «Un Obus dans le cœur», la version théâtrale et jeunesse de son roman «Visage retrouvé» paru en 2002. Un texte adapté à la scène par Catherine Cohen, dans une production signée Les déchargeurs / le pôle diffusion en accord avec Cie Empreinte(s), et qui sera donné au théâtre Monnot*.
«On ne sait jamais comment une histoire commence. Je veux dire que lorsqu’une histoire commence et que cette histoire vous arrive à vous, vous ne savez pas, au moment où elle commence, qu’elle commence…» Par ces mots débute l’histoire d’Un Obus dans le cœur, l’histoire de Wahab, qui est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. En s’acheminant vers l’hôpital, il se prépare à dompter la mort, à nouveau, la dernière fois il avait 7 ans. Tout le mène à ce face à face avec la mort, avec sa peur d’enfant, qu’il doit terrasser pour enfin se libérer. Le chemin de Wahab est un chemin douloureux, où se côtoient l’innocence, la colère, l’incompréhension, la tendresse et aussi l’humour.
«Un Obus dans le cœur est un voyage, explique Catherine Cohen dans la note d’intention, (… qui) a la particularité de mêler le réalisme et le poétique, le naturalisme et le merveilleux. Comme un conte dont Wahab est tour à tour le narrateur et le héros, Un Obus dans le cœur est un chemin initiatique, une mue, un passage de l’enfance à l’âge d’homme. Il convoque les cauchemars de l’enfance, les troubles de l’adolescence et les traumatismes de l’Histoire, pour nous montrer que le chemin vers l’adulte c’est avant tout comprendre son histoire, la regarder avec lucidité pour l’accepter pleinement, entièrement et être libre. C’est ce voyage que j’ai eu envie de partager.»
Jouée en France depuis le début de l’année dernière et jusqu’à aujourd’hui encore, avant son passage express au Liban, la pièce a été chaudement applaudie par la critique, qui relève notamment l’interprétation du comédien Grégori Baquet qui, grâce à ce rôle, a obtenu le Molière 2014 de la révélation théâtre masculine. «Grégori Baquet, souligne Télérama, donne beaucoup de rage et de sensibilité au personnage. Il joue avec finesse toutes les étapes de ce chemin initiatique.» Selon Pariscope, il «empoigne brillamment le verbe de Wajdi Mouawad. Bouleversant. Une mise en scène subtile et intelligente. Ce magnifique spectacle est une explosion que l’on prend en plein cœur.» France Inter de relever «une pièce qui évolue. On ne pleure pas, pas de pathos.»
Pourtant le contexte de l’histoire porte aux larmes, entre le cancer de la mère, la guerre du Liban, la mort qui rôde partout, la colère, les craintes, la dualité entre l’amour et la haine… «Je savais que les deux écueils de ce texte étaient le pathos et son côté «cérébral», explique Catherine Cohen dans une interview à www.plusdeoff.com. Je ne voulais ni de l’un, ni de l’autre. Mon axe de lecture était le conte et le voyage… Wahab est un passeur d’histoires, il est là pour nous transmettre son vécu… L’idée était que Wahab prenne chaque spectateur par la main et le fasse voyager à travers la tempête de neige et le soleil brûlant, du Canada au Liban, de l’enfance à la naissance de l’adulte pour qu’ils ressentent le tricotage de sa guérison.» Un autre niveau de lecture a donc été ajouté au texte d’origine, explique Grégori Baquet. «Cela se passe 20 ans plus tard, le narrateur a pris du recul par rapport aux événements rapportés. Cela crée une grande tendresse au regard de tout ce qui m’arrive dans ce texte, comme quelqu’un qui aurait bien digéré d’horribles choses vécues… Cette lecture permet d’apporter du sourire.»
OÙ?
THÉÂTRE MONNOT
QUAND?
LES CAVALIERS
22, 23 et 24 juin.
UN OBUS DANS LE CŒUR
25 et 26 juin.
N.R.