Pied de nez de Ammar Abd Rabbo à la censure
Pour sa nouvelle exposition en solo, Ammar Abd Rabbo nargue avec talent et humour le concept de la censure dans le monde arabe qui prohibe systématiquement le corps nu et la sexualité. Combinant les photographies originales à des textes superposés et des zones peintes qui camouflent les détails «osés» de ses nus, l’artiste livre un message érotico-artistico-ludique.
Si certaines de ses photos sont le fruit de son travail en tant que photojournaliste, d’autres ont été shootées au cours de séances individuelles au Liban. Ces corps nus (relativement anonymes) sont un hymne par l’image à la liberté d’exhiber la beauté et l’identité sexuelle. Abd Rabbo peint sur les parties «infractionnelles» de ses personnages les détails anatomiques qui identifient leur sexe. Sa motivation? Sa frustration de voir l’interdit prendre largement le pas sur le permis dans la culture visuelle régionale. Là où on re-couvre, il dé-couvre, là où on voile, il dé-voile!
La calligraphie pour raconter l’interdit
Faisant appel au support expressif du talentueux calligraphe syrien Aqeel pour dévoiler ce qui est caché, il dissimule dans un premier temps les détails tabous de ses images, pour ensuite décrire les parties du corps cachées avec le langage aseptisé de la terminologie médicale ou les descriptions spirituelles reprises d’un livre du XVème siècle en langue arabe intitulé «Le Jardin Parfumé», exemple type de la littérature érotique de la Tunisie. Conçu comme un manuel de sexe qui aborde la santé sexuelle et les interprétations des rêves, ce livre a été écrit par un chef spirituel musulman érudit qui avait cherché à éduquer sa communauté en citant souvent des textes religieux.
Abd Rabbo abolit ainsi, à sa manière, les frontières entre les espaces publics et les espaces privés, et propose une vision de la nudité qui balaie les lourds préjugés imposés par la pudibonderie d’une culture orientale de plus en plus répressive et régressive. De la résistance cul-turelle tous azimuts!
* À la Galerie Ayyam, du 8 octobre au 7 novembre.
B.I.