La «Première Boy», une montre foncièrement féminine
C’est encore et toujours l’emblématique Place Vendôme qui inspire sa forme à la nouvelle création horlogère de Chanel. La montre Première Boy – tout comme la montre Première qui l’a précédée ou encore l’iconique flacon du parfum n°5 – arbore une forme octogonale. Drôle de nom pour une montre! Est-ce en rapport avec Boy Capel, le grand amour de Gabrielle Chanel trop tôt disparu? «A priori non», assure Nicolas Beau, directeur de Chanel Joaillerie avant de préciser: «Mais il y a des connexions qui se font parfois de manière subliminale. L’appellation Première Boy est plutôt à aborder sous l’angle d’un compagnon que l’on a du mal à quitter.»
Toujours est-il que la dernière-née des créations horlogères de la célèbre Maison de luxe s’annonce comme un nouveau classique incontournable du genre; une allure sobre mais chicissime, des courbes douces mais affirmées, une teinte or-beige d’une classe inouïe et un bracelet cuir, clin d’œil à l’univers masculin dans lequel Coco Chanel a puisé son inspiration première en détournant des matériaux tels que le tweed et le jersey, réservés alors au vestiaire masculin. Le mouvement mécanique à remontage manuel un brin rétro est l’autre particularité de cette montre qui se veut cependant résolument inscrite dans son temps… un temps que l’on peut étirer selon son humeur puisque le cadran opalin de la montre Première Boy est dépouillé de chiffres.
Femme Magazine s’est rendue Place Vendôme à Paris pour rencontrer Nicolas Beau, directeur de l’horlogerie Chanel.
Est-ce une montre à se faire offrir par son petit ami?
Il y a deux idées sous-jacentes. Tout d’abord l’inspiration de la création de cette montre était de prendre la montre la plus féminine de Chanel qui est la «montre Première» et de faire ce que Gabrielle Chanel se plaisait à faire et qui est d’emprunter aux hommes des codes et matériaux vestimentaires pour les intégrer au vestiaire féminin. Nous sommes donc allés piquer à l’horlogerie masculine ses codes pour les marier à une montre qui reste foncièrement féminine. On sait que la masculinité révèle la féminité. Par exemple, une chemise blanche avec une veste d’homme peut être éminemment féminine. Le nom Première Boy est venu tout naturellement car on est arrivé à la frontière de la masculinité et la féminité sans tomber dans le mixte que je n’apprécie pas beaucoup. Nous avons eu des retours de la presse où des journalistes hommes se voyaient bien porter cette montre!
Justement, quelle est la part de masculin et de féminin dans cette montre?
Les montres d’homme, des instruments de mesure avec des index et des fonctions précises. Cette montre n’a pas de chiffres, son cadrant est muet. Le temps est approximatif, on en fait ce que l’on veut. C’est la vision du temps de Chanel qui est une vision très féminine; la montre est un bel objet qui n’est pas là que pour donner l’heure. Après, le côté masculin réside dans sa dimension, le bracelet en cuir, le mécanisme à remontage mécanique dans l’une des versions afin de retrouver le côté de l’horlogerie manuelle où l’on remonte sa montre tous les matins. Il y a la forme de la Première, la douceur de sa ligne et ce cadran muet qui marque sa féminité et la masculinité réside dans le cuir, le remontage mécanique. Après, c’est tout simplement une belle montre!
Dans quelle tendance s’inscrit la Première Boy?
Honnêtement, nous ne regardons pas beaucoup les tendances. Même le marketing chez nous est là pour accompagner la création et non pas pour dire aux créatifs ce qu’ils doivent faire. En somme chez Chanel, la création crée et le marketing met en musique. D’ailleurs, la Première Boy est assez grande alors que la tendance actuelle est aux petites montres. Mais l’histoire que l’on avait envie de raconter c’est ce côté masculin révélateur du féminin. On ne pouvait pas le faire avec une petite montre.
Les tendances oscillent entre or jaune, blanc et même rose. Voici que la Première Boy arbore un or beige! Est-ce une exclusivité Chanel?
Oui, c’est une exclusivité. L’histoire est partie du fait que l’or rose était un or que l’on avait envie de travailler mais qui n’allait pas avec la céramique blanche. Le contraste de couleurs était trop important. À partir de là, nous avons demandé à notre fournisseur d’or s’il était possible de travailler la teinte. C’était un processus très long car on ne peut pas mettre n’importe quel alliage dans l’or, cela peut poser un problème lors du polissage par exemple ou du soudage. Nous avons été confrontés à un défi technique. On a donc choisi une couleur qui tendait vers le beige miel et qui était beaucoup plus douce et brillante. On est arrivé à cet or beige. La caractéristique technique est que l’or beige ne s’oxyde pas, contrairement à l’or rose qui devient cuivré avec le temps.
Sam Rollinson a été choisie comme égérie. Quel est le profil de la femme Première Boy?
Elle a un côté un peu boyish, un peu androgyne et casse-cou. Mais c’est un garçon manqué qui assume complètement sa féminité. Elle ne se situe pas dans un unisexisme triste, c’est véritablement une femme!
Plutôt jeune?
On peut être jeune à 80 ans et vieux à 25 ans! C’est dans la tête!
la Première Boy est-elle destinée à devenir un classique?
La montre Première est un classique. Ce n’est pas Chanel qui décrète si une montre est un classique mais le public. C’est une montre qui a sa personnalité propre. Elle est juste belle et a le potentiel pour devenir un classique.
R.C.