Entre odeurs nauséabondes, pourritures et pollution visuelle, les Libanais ont vu s’ajouter à leur lot de malheurs une nouvelle arme de guerre: les déchets. Dans ces détritus en état de décomposition avancée, on pouvait trouver de tout. Mais de là à y retrouver son carré Hermès perdu, ça relève de l’inimaginable et pourtant, l’histoire de Nada est incroyable mais vraie.
Je suis fan des carrés Hermès que j’assortis à mes tenues, raconte Nada. Plus particulièrement du dernier en date, acquis dans le duty free de Roissy et dont le mariage de couleurs me ravissait: du rouge et du jaune, une de mes combinaisons favorites.
En rentrant d’une soirée et comme je suis plutôt étourdie, j’ai dû le faire tomber du côté du garage sans m’en rendre compte. Deux jours plus tard, l’envie de le porter m’a repris. J’ouvre le tiroir dans lequel je range mes foulards et, à ma grande surprise, celui-ci est aux abonnés absents. J’interroge l’employée de maison, qui m’annonce l’avoir «vu» sur la moto du gardien de l’immeuble! Sur le coup, je vois rouge et lui demande de l’appeler illico et d’essayer de retrouver mon foulard. S’ensuit un dialogue de sourd entre elle et le gardien, jusqu’à ce que mon mari intervienne et décide de prendre les choses en main, en expliquant au gardien en long et en large ce dont il s’agissait. Deux longues heures plus tard et après une plongée dans la montagne de détritus adjacente à notre immeuble, le téméraire gardien retrouve ledit foulard. Lorsqu’il sonne à notre porte en me tendant dans un sac plastique transparent ce qui fut un foulard Hermès, j’ai un haut-le-cœur… tout d’abord à cause de l’odeur fétide qui envahit l’appartement, un peu comme si on vidait la poubelle chez nous. Insoutenable. Quant au carré, il était taché d’huile et de gras et totalement méconnaissable. Je l’ai isolé sur le balcon en attendant de le prendre au pressing pour tenter un sauvetage qui relevait du miracle (!). En ouvrant grand les fenêtres et les portes, les relents dégagés par le carré pourtant isolé dans le sac en plastique envahissaient les moindres recoins de notre intérieur. Bien gantée pour ne pas être en contact avec l’objet/putois, je prends bien soin de l’emballer dans deux autres sacs pour que l’air ne puisse plus passer dans les deux sens. Mission accomplie.
Ouf! Il était temps de respirer. Je passe la nuit à me demander si ce déchet de carré serait récupérable… J’en ai même rêvé. Ce n’était pas tant pour sa valeur financière que pour celle, affective, qui primait. Et puis, impossible de racheter le même, il ne fait pas partie des classiques produits en continu par la Maison Hermès. Le lendemain, je dépose la «boule puante» à la première heure au pressing où on m’annonce d’emblée que les chances de survie sont de 50%. Et qu’il faut attendre deux jours avant d’en avoir le cœur net (toyé)! Et donc me voilà le jour J, à la première heure H (c’est-à-dire celle de l’ouverture du Pressing) pour vérifier si l’objet de mes désirs a survécu au traumatisme poubelle.
Et voilà que je découvre la renaissance de mon carré aussi frais qu’un nouveau-né. Aucune tache, aucun résidu, aucune séquelle des 48 heures passées dans la montagne de détritus…
Je me surprends à dire: «Heureusement que Sukleen ne passait plus»! Bien sûr, ce n’était qu’une réaction momentanée à garder dans le contexte. Ma manière à moi de rester positive face à la crise des déchets!
B.I.