Avec elle, l’amitié se conjugue à tous les temps. Inconditionnellement. Elle a surgi dans votre vie durant une vague de froid, à un moment où des âmes charitables se préoccupaient des mal logés, mal réchauffés, mal nourris. Elle est venue combler un manque. Soulager les peines avec les moyens du bord, sa voix douce – souvent inquiète – et sa présence à la fois efficace et discrète.
L’amie des mots possède tout un lexique à elle dans lequel elle pioche la phrase ou le mot opportun(e)s. Une banque de photos et de dessins aussi. Lorsque le monde va mal, elle va mal. Elle est branchée sur toutes les douleurs et pétrie de toutes les valeurs humaines. Intellectuelle et noble, elle porte toujours un regard dénué de jugement vis-à-vis de ses pairs. Et lorsque la situation l’exige, elle s’éloigne à petits pas après s’être enthousiasmée pour des êtres qui finiront par la décevoir. L’amie des mots a plus d’un livre dans son sac: à chaque rencontre, elle vous en offre un qu’elle a pris soin de choisir pour vous. Un livre qui vous ressemble et que vous lirez d’une traite. Vous partagez l’une et l’autre le fantasme d’un monde idéal dans lequel il n’y aurait ni violence ni haine. Mais vous êtes toutes les deux nées dans le mauvais siècle, celui qui fait honte à l’humanité: le siècle des extrémismes, de la barbarie sanguinaire et des replis identitaires. L’amie des mots vit, comme vous, dans sa bulle. Votre communication est inter bullaire. Vous ne vous voyez pas souvent ou presque pas mais vous communiquez au quotidien via les réseaux sociaux qui réduisent les distances.
Pas de long trajet à faire pour aller à la rencontre de l’autre. Un clip en son et en photos se passe de mille mots. Et vous connecte en un clic. Et puis cette amitié sans nuages se vit dans la cartographie poétique de ces derniers. En regardant le ciel. C’est d’ailleurs votre phrase culte, votre sceau: «regarde le ciel» est la phrase codée que vous vous échangez lorsque tout va mal et que le monde vous plombe.
L’amie des mots est une traqueuse de maux qu’elle pourchasse et gomme avec une âme d’enfant; cette enfant en elle qui ne veut pas grandir et qui lui va si bien. Une âme pure et bonne jusqu’à l’excès, trouvant mille excuses à ceux qui l’incommodent. Elle ne connaît ni la rancune et encore moins la revanche. Elle est foncièrement altière et tendue vers l’autre jusqu’à s’oublier. D’ailleurs, elle fait ses «move» par petits pas, pour ne jamais envahir le jardin de l’autre. Le lui arroser d’une rosée dont elle seule détient la recette concoctée avec amour. L’amie des mots porte un bagage douloureux en elle dont elle n’a pas fait le deuil. Elle oscille sans cesse entre fuite en avant et marche arrière. Elle est passéiste et revient souvent sur les chemins épineux qui l’ont peinée. Elle est en adéquation totale voire fusionnelle avec la douleur des autres, ayant si bien apprivoisé la sienne et cohabitant avec elle comme un vieux couple sans problèmes. Tout et un rien l’enchantent: le vol d’un papillon, le bruissement d’ailes d’un oiseau, un coucher de soleil et, bien sûr, son héros de toujours, le Petit Prince.
Et puis lorsqu’elle parle, elle murmure. Un peu comme si ses paroles étaient soufflées au vent afin qu’elles arrivent à bon port. L’amie des mots est une rencontre marquante. Sortant du lot. Elle fait partie de ces êtres lumineux qui arrivent dans votre vie comme un cadeau du ciel, au moment où vous désespériez de l’espèce humaine et de ce qu’elle engendre.
Bien sûr, elle est l’exemple vivant qui vous démontre que tout est encore possible dans le pire des mondes. Qu’il existe des êtres nobles, sincères, aimants et généreux qui gravitent autour de vous. Il suffit de lever les yeux et de regarder le ciel pour que l’amie des mots se dessine – comme par magie – dans la valse des nuages et prenne la forme d’une étoile qui ne filera pas.
B.I.
